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S’il est un chapitre de la paléopathologie qui intrigue, passionne et divise les chercheurs c’est bien celui des trépanations! 1.1- Définition On appelle trépanation toute ouverture perforatrice d'un os ( et plus particulièrement de la boite crânienne ) due à une intervention manuelle. Les trépanations anciennes du crâne sont tellement classiques que le terme de trépanation seul est devenu synonyme d'une intervention sur le crâne qu'elle se soit exercée sur le vivant ou sur le crâne récupéré post-mortem. 1.2 - Bref historique des premières découvertes. La première mention connue de trépanation remonte au 17e siècle, mais c'est la charnière du 19ème - 20ème qui a vu le plus grand nombre de découvertes illustrées par des anthropologues célèbres tels De Baye, Broca ( l'inventeur du fameux compas céphalique ), Manouvrier, Lucas - Championnière, etc... 1.3 - Répartition de la trépanation dans le temps Le phénomène trépanatoire caractérise essentiellement la dernière partie de la préhistoire nommée le Néolithique (Age de la Pierre polie) et datée de 5 000 à 2200 avant J.C. ou 8 500 B.P. ( Before Present, c'est-à-dire avant 1950, année prise comme référence par les auteurs américains ). Passé le Néolithique la pratique des trépanations tend à décroître. On citera une des rares trépanations gallo-romaines connues : celle provenant d'un puits funéraire découvert sur l'emplacement de l'assise de l'autoroute A 6 près de Tournus. 1.4 - Répartition de la trépanation dans l'espace Si la France a vu les premières découvertes il est bon de noter que cette pratique se rencontre partout, non seulement en Europe mais également dans le monde entier et, en particulier, on ne peut passer sous silence les remarquables trépanations du Pérou pré-colombien. 1.5 - Topographie préférentielle. D'une manière assez générale le siège des trépanations se situe sur les os suivants par ordre préférentiel décroissant : pariétal, frontal, temporal, occipital. Les trépanations orbitaires sont rarissimes : on en connait en Europe que deux cas, le premier (étudié par M.R. Sauter en 1959) correspond à une trépanation ayant entrainé la mort du sujet trépané (à moins que l'opération ait été effectuée post-mortem ) ; le second correspond à une trépanation fronto - orbitaire guérie . En ce qui concerne le côté, le sexe et l'âge du sujet opéré, on peut retenir la prédominance du côté gauche pour l'homme adulte. 1.6 - Forme et importance de la surface trépanée. En Europe les trépanations sont circulaires ou ovalaires (dans ce dernier cas avec grand axe parallèle au plan sagittal crânien ). Des trépanations carrées ont été observées au Pérou précolombien. L'importance de la surface trépanée dépend de la forme de la trépanation, elle varie en diamètre de 50 mm pour une trépanation ovalaire à 200 mm pour une circulaire. Certaines trépanations sont remarquables par leur grande taille elles intércsscnt généralement le sommet du crâne ou les faces latérales. Nous citerons un seul exemple concernant la zone fronto-pariéto-temporale gauche : trépanation (à moitié guérie) du dolmen de Roque-d'Aille (Var). Ce cas est remarquable par l'existence, dans le niveau où elle a été découverte, d'une imitation auriculaire gauche ( prothèse ? ) sculptée dans un coquillage méditerranéen. 1.7 - Caractéristiques macroscopiques et radiologiques des trépanations pré- et post-mortem. Qu'elle soit pré- ou post-mortem la trépanation est effectuée de l'extérieur vers l'intérieur du crâne (on cite quelques cas fort rares de trépanations post-mortem partant dc l'intérieur du crâne). Il est bon de rappeler brièvement la structure histologiquc des os crâniens. La voûte crânienne est constituée de deux lames d'os compact ( les tables externe et internes, entre lesquelles se trouve une couche plus ou moins importante ( de 3 à 7 mm ) d'os spongieux, très richement vascularisé, le diploé. Extérieurement la voûte crânienne est recouverte par un périoste mince, intérieurement elle est tapissée par la dure-mère. La trépanation intéressant ces différents éléments, il est évident qu'une étude macroscopique minutieuse de la brèche osseuse sera le premier souci du paléopathologiste rencontrant un crâne trépané.Cet examen permet en effet de distinguer trépanation pré- et post-rnortem. On a souvent loué, parfois méme avec exagération, les connaissances anatomiques des chirurgiens préhistoriques. S'il est connu que certains opérés mourraient en cours de trépanation ou immédiatement après, il n'en reste pas moins vrai, et les preuves ostéologiques le confirment, que bon nombre de sujets trépanés ont guéri. Ces succès obtenus malgré un empirisme évident des techniques employées peut s'expliquer à la fois par l'habileté de l'opérateur et par la robustesse du patient trépané. L'existence d'un biseau observé au niveau de toutes les trépanations anté - mortem européennes, démontre que l'existence et le rôle de la dure-mère étaient connus. Le chirurgien essayait autant que faire se peut, de ne pas la léser au cours de l'intervention, c'est pourquoi la section de l'épaisseur crânienne n'était pas faite perpendiculairement à la surface externe ( comme c'est le cas pour la plupart des trépanations post-mortem ) mais obliquement. Il s'en suit que l'observation seule des diamètres respectifs des deux tables, permet d'envisager la position dans le temps de la trépanation :
Parfois on peut observer un diamètre externe inférieur à celui interne si le crâne a été trépané, post-mortem, à partir le l'intérieur. 2 - Trépanations étudiées dans le cadre du laboratoire 2.1 - Introduction On connait le rapport étroit existant entre cet acte chirurgical et la traumatologie crânienne [4]. Nous avons, eu la chance d’étudier trois cas de trépanation, présentant tous les trois, un caractère remarquable de rareté : deux sont protohistoriques, un est gallo - romain. 2.2 - Trépanations protohistoriques L’aven
protohistorique varois dit “ aven Plérimond ”[1-3-5]
a livré un crâne présentant une
trépanation guérie de la région fronto - orbitaire droite, plus précisément
du rebord orbitaire (cf.
fig.1). Cette localisation a amené à envisager une
intervention chirurgicale en vue d’un curetage du sinus infecté. Ce type de
trépanation est rarissime, puisque à notre connaissance, existent seulement
trois cas similaires : un pour l’Europe ( celui décrit par M.R. Sauter, en 1959,
à propos d’un crâne néolithique du cimetière de la Barmaz Il, Valais suisse),
deux pour le Pérou précolombien.
La seconde trépanation est mégalithique, provenant du niveau moyen ( datable du début du bronze ) d’un petit dolmen situé à Roque d’Aille, dans le Var [7] (cf. fig.2). Elle concerne la région fronto - pariéto - temporale gauche d’un crâne féminin, associé a une "oreille"gauche, sculptée dans un coquillage méditerranéen (un Spondylus gaedoropus L.). Crâne et coquillage avaient subi une crémation. La trépanation a été effectuée selon la technique classique du raclage puis du biseautage avec un instrument lithique. Une survie de quelques mois a pu être supposée d’après le début de cicatrisation osseuse.L'imitation auriculaire, pourt sa part, est un cas unique en Europe.Sa motivation n'est pas évidente : amulette, "prothèse"? Une certitude est qu'elle a été portée un temps assez long, comme le prouve l'usure relevée au niveau de la perforation qu'elle possède. Figure 2 : Crâne mégalithique féminin présentant une importante trépanation fronto - pariéto - temporale gauche associée a une "oreille"sculptée dans un coquillage méditerranéen (Dolmen de Roque d'Aille, Var)
2.3 - Trépanation gallo - romaine (note) Elle a été découverte dans du matériel osseux provenant d'un puits funéraire situé près de Tournus ( Saône - et - Loire ), sur l'emplacement de l'actuelle autoroute A6 [2-6]. Elle concerne la région pariétale d'un sujet masculin : l'aspect du biseau ainsi que l’image radiologique en cocarde témoignent d'une guérison complète (cf. fig.3).
Note : Ce remarquable cas de trépanation gallo-romaine (seul cas connu en France et rarissime en Europe) a été présenté dans le cadre de l'exposition : La médecine à l'époque romaine. Quoi de neuf docteur? qui s'est tenue au Musée Gallo-Romain de Lyon, du 4 octobre 2011 au 22 avril 2012. Bibliographie [1] Perrot ( R. ), 1969. A propos d’une trépanation orbitaire protohistorique. CR Ass.rég.dev. préhis.Paléontol. et des amis du Muséum de Lyon, p.59. [2] Perrot ( R. ),1971(1). Etude anthropologique des vestiges humains provenant de deux puits gallo - romains (Tournus, Saône - et - Loire ).Doc.Lab.géol.Fac. Sciences Lyon, 45, 148-151 [3] Perrot ( R. ),1971(2). Etude anthropologique d’un ossuaire protohistorique l’Aven Plérimond. Thèse Sciences Lyon.Doc.Lab.géol.Fac. Sciences Lyon, 46, 268p.[PDF] [4] Perrot ( R.), 1974. Paléopathologie à propos d’ouvertures anormales de la boîte crânienne. Sandorama, 39, 2 - 7 [5] Perrot ( R. ) et Morel ( P.), 1970. Un cas de trépanation orbitaire et frontale néo - énéolithique, provenant de l’Aven Plérimond (Var).Cahiers Méd. Lyonnais, 46, 30, 2413 - 2420. [6] Perrot ( R. ) et Morel ( P.), 1971. Un cas de trépanation gallo - romaine à Tournus (Saône - et - Loire).Cahiers Méd. lyonnais, 47, 35, 3959 - 3962 [PDF] [7] Perrot ( R. ), Morel ( P.) et Bérard ( G. ), 1972. Un cas intéressant de trépanation mégalithique (dolmen de Roque - d’Aille, Lorgues, Var) associée à une imitation auriculaire. Cahiers Méd. Lyonnais, 48, 26, 2871 - 2880.
Dernière mise à jour de la page : 20/08/2016
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