PALEOBIOS ,17 / 2012 / Lyon-France ISSN 0294-121 X
Vers une paléopathologie de la Conquête Espagnole au
Mexique et au Pérou
Renaud
Figueres 1-2
1
- Diplomé d'Archéologie Mésoaméricaine, Université de Paris I / Correspondant scientifique associé au Laboratoire d’Anthropologie Anatomique et de
Paléopathologie, Université Claude Bernard-Lyon 1
2 -
Contact mail
: r.figueres[chez]wanadoo[point]fr
Résumé :
On
assiste au Mexique (et dans une moindre mesure au Pérou), depuis le milieu des
années 2000, à l’émergence d’une archéologie (notamment expérimentale) qui
s’applique à retrouver et étudier les traces des affrontements ayant eu lieu
pendant la Conquête Espagnole. Ce nouvel axe de recherche, qui s’inscrit dans
un mouvement plus global, a bénéficié de découvertes et recherches récentes qui
sont pour nous l’occasion de faire un état des lieux.
Mots-clés :
paléopathologie
/ Conquête Espagnole / traumas perimortem / archéologie / vestiges
squelettiques / traumas
par armes / blessures / Mexique / Pérou
Abstract :
Mexico
(and, to a lesser extent, Peru) is, since the mid-2000s, the place of an
emerging branch of archaeology, which is mainly dedicated to the study of interpersonal
violence during the Conquest period. This recent movement, which is part of a
broader one, has benefited from recent researches and discoveries, which allow
us to summarize the situation.
Key-words :
paleopathology
/ Spanish conquest / perimortem trauma / archaeology / skeletal remains / Weapon-related
traumas / injuries / Mexico / Peru
1 -Introduction
Si les
articles traitant de l’art de la guerre dans le Mexique Précolombien sont
nombreux, ceux insistant sur l’aspect paléopathologique le sont beaucoup moins.
Et s’il s’agit de la période de la Conquête, trouver des informations relève du
défi. Et pour cause, les données ostéologiques sont très fragmentaires et seuls
de rares concours de circonstances permettent d’associer ces données à la
période de l’invasion Espagnole. Rechercher ces informations, c’est aussi
s’inscrire dans le cadre d’une discipline qui, depuis 20 ans, n’a de cesse de
se développer et que les Anglo-saxons nomme Battlefield Archaeology (B.A.). Celle-ci, dédiant initialement ses
efforts à l’étude d’un élément clé du conflit, le champ de bataille1, s’est depuis élargie
et comprend notamment des aspects d’archéologie expérimentale (comme la
reproduction et l’expérimentation d’arme d’époque) et de paléopathologie. Car étudier les traces
de blessures par armes implique une bonne connaissance des outils utilisés par
les belligérants. Ce qui induit une archéologie du geste, du geste martial en
l’occurrence.
Depuis le
milieu des années 2000, quelques pays d’Amérique Latine (essentiellement le
Mexique et le Pérou) ont vu émerger ce nouvel axe de recherche2. Ainsi, en 2005, la revue Mexicaine Estudios
de Antropología Biológica publiait un article intitulé « En busca de los muertos en campos de batalla
(Guerra del Mixtón 1540-41): la aplicación de las técnicas arqueológicas » [30]. Dans celui-ci,
la chercheuse Angélica María Medrano Enríquez plaidait en faveur de
l’application des méthodes spécifiques à la B.A. dans le cadre de ses
recherches sur la guerre du Mixtón
(1540-1541). Un autre chercheur Mexicain, Marco Antonio Cervera Obregón allait
pour sa part se tourner vers une archéologie (notamment expérimentale)
focalisée sur l’art de la guerre Aztèque [7-8-9].. De plus, de
récentes fouilles de complexes funéraires allaient apporter un nouvel intérêt
et de nouvelles connaissances sur le sujet. Autant d’éléments qui sont pour
nous l’occasion de proposer un bilan et de nous demander s’il n’est pas déjà
possible de parler d’une paléopathologie de la Conquête ? Mais avant
d’aller plus loin, nous allons procéder à un bref état des lieux des connaissances
et des recherches sur le matériel défensif et offensif utilisé lors des
affrontements entre Espagnols et Indiens de cette première moitié de XVIème
siècle. Cependant,
comme il ne s’agit pas ici de refaire une étude exhaustive du matériel ou des
découvertes,nous renvoyons, le lecteur qui voudrait approfondir le sujet, à la
bibliographie présente en fin d’article.
2
- Armes et armures : un
récapitulatif
2.1
-
Le matériel défensif
Côté
européen, les hommes qui débarquèrent sur les côtes du Mexique (et du Pérou)
dans les années 1520 étaient loin, question matériel, de former un groupe
homogène. Et même 20 ans plus tard, la situation n’aura pas fondamentalement
changé, comme le souligne ce passage du récit de l’expédition de De Soto où est
organisé un rassemblement3 -: « A celui-ci les Portugais
virent comme au premier, armés d’excellentes armures, et le gouverneur les mit
en bon ordre près de l’étendard porté par son alferez. La plupart des
Castillans portaient de pauvres cottes de mailles rouillées, tous avaient des
heaumes et d’inutiles et médiocres lances » [25].
Les
possesseurs d’armures de plates devaient constituer une minorité, la plupart
des soldats étant équipés de jacques ou de pourpoint et de cottes de mailles,
dans le meilleur des cas. Le jacque est le successeur du gambison, protection
existant déjà au haut moyen âge et ayant l’aspect d’une veste rembourré, avec
ou sans manche (le matériau de confection était variable) et dont la fonction
était d’absorber une partie de l’énergie cinétique de coups contondants et,
dans une moindre mesure, de protéger contre les estocades et autres
perforations. Cela étant, pour offrir une véritable protection contre ces
derniers, on le couplait souvent avec une cotte de maille, qui elle, avait les
vertus inverses.
Le jacque
était dense, lourd et probablement pénible à porter sous ce climat. On sait que
certains Conquistadores n’hésitèrent pas à le remplacer par des Ichcahuipilli (fig. 1), c'est-à-dire des protections à base de coton et dont
la confection et l’emploi rappelle d’ailleurs beaucoup son cousin européen. Le
narrateur du « Conquistador Anonyme »4 nous en donne une description :
« Les armures qu’ils utilisent à la guerre sont comme des habits amples
semblables à des doublets en coton matelassé, d’une épaisseur d’un doigt et
demi, quelquefois deux ; ils sont très résistants. » [10]. Et dans son
ouvrage, Bernal Díaz del Castillo5 nous rapporte cet épisode :
« Quant aux soldats du vieux Ramirez, comme ils venaient couverts d'une
grosse armure de coton très lourde, pour se garantir des flèches, nous les
appelâmes "les Bâtés"» [12, p. 552]. Il est possible
aussi que certains soldats aient été équipés de brigandines6 (fig. 2), très efficaces et beaucoup moins chères qu’un plastron par exemple.
Concernant
les protections de plates, seule une minorité devait en posséder et elles
devaient être assez hétérogènes : plastron, gorgerin, colletin, bavière,
cuirasses etc.7 (fig. 3 &
fig. 4). Les casques devaient également être assez hétéroclites (fig.
5 & fig. 6
). Et à défaut de
casque en quantité suffisante, les soldats portaient des protections
matelassés, comme le laisse entendre ce passage de Bernal Díaz : « [---] et de ne jamais passer devant lui (Cortès,
ndla) sans quitter nos bonnets matelassés que nous portions comme armure
défensive [---] » [12, p. 320]. Il peut également s’agir dans ce
passage de la protection portée en combinaison avec un casque.
Figure
1: reproduction d'un Ichcahuipilli (© FAMSI)
|
Figure
2: brigandine d'archer, fin XV° (© Musée de l'Armée / DigitalPast.fr)
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Figure
3: Bavière Espagnole, vers 1500-1510. (© Hermann Historica) /
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Figure
4: plastron, travail probablement Espagnol, vers 1500 (© myarmoury.com)
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Figure
5: morion, travail Espagnol, vers 1540-1550 (© Royal Armouries)
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Figure
6: cabasset, travail espagnol, vers 1570-1580 (© Musée de l'Armée /
DigitalPast.fr)
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Une
chose est sûre, il y avait pénurie. Bernal Díaz
dit à ce propos que : « Je veux dire la grande pénurie d'armes
défensives où nous étions: pour une cotte de maille, pour un morion, pour un
casque ou pour une mentonnière en fer, nous aurions donné ce soir-là tout ce
qu'on nous eût demandé et même tout ce que nous avions gagné
jusqu'alors » [12, p.
474]. Il
en fit d’ailleurs probablement personnellement les frais lorsqu’il raconte plus
loin : « La raison qui me fit manquer la
première campagne, ce fut une blessure causée par un coup de lance que je reçus
à la gorge, qui me mit en danger de mort et dont je garde une cicatrice
visible » [12, p.
612].
Côté
Aztèque, l’armure la plus répandue était l’ichcahuipilli, dont il a été question plus
haut. Diverses tuniques (tlahuiztli, ehuatl) pouvaient être portées par
dessus mais, de confection légère, elles n’avaient pas d’influence sur la
protection du combattant et n’avaient d’autres rôles que d’identifier le
porteur. Ils utilisaient également des boucliers (chimalli), dont le « Conquistador Anonyme » nous donne une intéressante
description : «
Pour se protéger la tête, ils portaient comme des têtes de serpents, de tigres,
de lions ou de loups, la gueule ouverte et la tête du porteur à l’intérieur de
sorte que l’on avait l’impression qu’il était en train de se faire dévorer. Ils
sont en bois recouverts de plumes, de bijoux d’or et de pierres précieuses
[---] Ils utilisent des boucliers de différents types, fait de solides roseaux qui
poussent dans la région, entrelacés avec une double épaisseur de coton, et les
couvre de pierres précieuses et de plaques d’or circulaires, ce qui les rends
si solides que rien ne peut les percer, sinon une bonne arbalète. Il est vrai
que quelques flèches en percèrent mais sans causer le moindre mal.
Et
parce que certains de ces boucliers ont été vus en Espagne, je veux dire qu’ils
ne sont pas de ceux utilisés à la guerre mais seulement lors de leurs danses et
festivals »[10].
2.2
-
Le matériel offensif
Concernant l’armement offensif, il est
également assez bien connu du côté espagnol, de nombreuses pièces étant
parvenue jusqu’à nous. Les armes d’hast furent employées
(hallebardes, lances etc.), ainsi que des arbalètes et des armes à feu, des
arquebuses qualifiées de « trompette
de feu à main » (Matlequiquiztli)
par les Aztèques. Des canons furent aussi présents mais ils
ne rentrent pas dans le cadre de cette étude. Concernant les armes tranchantes, plusieurs
types d’épées furent employés (fig.
7 & fig.
8
). On sait par exemple que des épées à deux mains (fig.
9 ) ont été utilisées, comme
l’indique Bernal Díaz dans ce passage :
« Dans
sa retraite, on tua encore un bon soldat, nommé Lezcano, qui venait de faire
des prouesses avec un grand espadon » [12, p. 496]. La
majorité des troupes était constitué de piétons équipés d’armes d’hast, d’épées,
de boucliers. Ils étaient accompagnés d’une petite proportion d’arbalétriers,
d’arquebusiers et de cavaliers. Ces derniers jouèrent un rôle fondamental dans
les affrontements et manquèrent souvent à Cortès : «
[---] je donnai commissions de m’en acheter quatre autres, (des navires, ndla)
pour que de Saint Domingue dans la même île Espagnola ils me reviennent
également chargés de chevaux, armes, poudre et arquebuses qui sont les choses
dont nous avons le plus besoin. Car les piétons avec leurs rondaches servent
peu tous seuls, perdus au milieu de tant de monde et dans ces grandes villes et
forteresses »
[11, p. 180].
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Figure
7: épée, travail espagnol, vers 1500 (© Musée de l'Armée / DigitalPast.fr)
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Figure
8: épée attribuée à Hernan Cortès, Real
Armería de Madrid ( in [21])
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Figure
9: épée à deux mains, Espagne ?, vers 1520-1540 (© Antiguo Museo del Ejército de Madrid)
|
Les
cavaliers, légers et mobiles, étaient souvent équipés d’un large bouclier de
cuir nommé adarga (fig. 10). Il est possible que
celui-ci ai une origine commune avec le bouclier dont parle déjà Froissart dans
ses chroniques (plus d’un siècle auparavant), lorsqu’il indique que les
Sarrasins : « Portent targes a leurs cols moults
légières, couvertes de cuir bouly de Capadoche, où nul fer ne se puelt prendre,
ne attachier, se le cuir n'est pas trop eschaufé »
[26].
Ada
B. considère à ce sujet que : « Les adargas qu’utilisaient les
Conquistadors à l’époque de Cortés étaient encore – en grande partie – de
Cordoue, où, depuis l’époque des Maures, une certaine catégorie d’artisans
avait acquis une véritable réputation pour ce genre d’armement, avant de se
déplacer plus tard vers le Maroc, probablement à Fez » [21, p. 20].
Concernant
les armes offensives indiennes, les données archéologiques sont très pauvres
mais les chroniques nous ont laissées de nombreuses indications sur les armes
employées par les Aztèques8
.
Ainsi,
Bernal Díaz et Hernan
Cortès nous rapportent
les faits suivants : « [---]
des casse-têtes, des espadons à deux mains, formés de lames en obsidienne qui
coupaient mieux que nos épées; des lances plus longues que les nôtres, dont le
couteau avait bien une brasse, et si résistantes au choc qu'elles ne se
brisaient ni ne s'ébréchaient en frappant sur des boucliers ou sur des rondaches.
Elles étaient si bien affilées, du reste, qu’elles coupaient comme des rasoirs,
au point d’être utilisées pour raser la tête » [12,
p. 326].
Ils décrivirent aussi les armes dont on fait usage
: «
les piques doublement
dentelées qu'on lance avec des machines et qui traversent n'importe quelle
défense (!?); les archers adroits et très nombreux; les lanciers armés de
lances d'obsidienne, avec des couteaux long d'une brasse et affilés de telle
sorte qu'ils coupent mieux que des rasoirs [---] les hommes armés de frondes
avec des pierres roulées ; d'autres lances encore plus longues et les grands
espadons à deux mains » [12,
p. 257].
«
Ils étaient armés de lances très longues avec pointes en silex et obsidiennes
plus larges que les nôtres et non moins aigües » [11, p. 156]. Dans
ces extraits, de nombreuses armes employées par les Aztèques sont décrites. La
plus emblématique d’entre elle étant le macuáhuitl (fig. 11): le long d’un manche en
bois de forme aplatie, qui devait mesurer de 70 à 80 centimètres,
étaient emmanchées de chaque côté des lames d’obsidienne (fig. 12). Cette
arme, utilisée au corps à corps, pouvait être à la fois tranchante et
contondante (en utilisant le plat de l’arme plutôt que les lames. Il existait
également un modèle plus petit (autour de 50 centimètres) mais
en tout point similaire, appelé macuáhuitzoctli.
Les lances (teputzopilli), différents
types de masses (quauhololli) et des
haches étaient également très répandues.
Figure
10: adarga, Espagne, XVIème (© Royal
Armouries)
|
Figure
11: guerriers Aztèques armés de macuáhuitl (d'après le codex Florentin, © INAH)
|
Figure
12: lame de macuáhuitl en obsidienne (dans E. Martínez Vargas et AM. Jarquín
Pacheco [28])
|
Du
côté des armes de jets, on sait que javelots, dards et projectiles divers
envoyés par propulseurs (atlatls),
frondes (Temalatl) et arcs (tlahuitolli) étaient employés de manière
systématique et en masse. Un épisode décrit par Cortès, alors qu’il est assiégé
dans le palais de Motecuhzoma, est assez parlant à ce sujet :
« Ils nous lançaient une telle
quantité de pierres avec leurs frondes qu'on eu dit une grêle véritable; et les
flèches et les javelots étaient si nombreux que les cours de notre demeure en
étaient pleines, à tel point que nous pouvions à peine y marcher » [11, p. 153]. Concernant l’arc, qui est un peu le parent
pauvre de la recherche dans ce domaine, le récit du « gentleman d’Elvas » qui
accompagne l’expédition d’Hernando de Soto nous fournit des informations
précieuses : « [---] et avant qu’un arbalétrier puisse
tirer, un indien peut lancer trois ou quatre flèches, et il manque très
rarement sa cible. Si la flèche ne rencontre pas d’armure, elle pénètre aussi
profondément qu’un carreau. Les arcs sont très longs et les flèches fabriquées
à partir de certains roseaux, très lourds et si solides qu’une canne affutée
peut traverser un bouclier. Certaines (flèches, ndlr) sont dotées d’une arête
de poisson aussi affutée qu’un poinçon et d’autres d’une pierre dont l’aspect
est semblable à un diamant. Généralement, lorsque celles-ci rencontrent une
armure, elles se brisent au point de fixation. Celles composée uniquement de
cannes se séparent, pénètrent à travers la maille et sont plus douloureuses
» [25].
3
-
Retour sur une polémique
Nous
avons vu que, d’un côté comme de l’autre, on disposait d’outils efficaces et
parfaitement adaptés. Mais adaptés à quoi précisément ? En
2008, le chercheur mexicain Alfonso Antonio Garduño Arzave affirma en effet,
dans un très officiel bulletin publié sur le site de l’I.N.A.H.9
que les armes des Aztèques : « n’avaient pas pour vocation à tuer [---] mais plutôt à neutraliser les
adversaires afin de les capturer en vie pour les sacrifier ultérieurement.
C’est ce qu’ont révélés une série d’études sur les caractéristiques physiques
et techniques ainsi que la reconstitution d’armes préhispaniques. Les résultats
ont permis de conclure qu’il était question d’artefacts non létaux, ne générant
que des fractures ou blessures incapacitantes » [38]. Bien
qu’aucun élément technique ou scientifique précis ne vienne appuyer sa thèse, on
y apprend que l’auteur a procédé à la reconstitution de certaines armes, comme
l’atlatl10 (dont il concède d’ailleurs
la létalité intrinsèque). Il estime par contre que les masses, bâtons et macuáhuitl, constitués essentiellement
de bois, d’os et/ou de pierre (obsidienne et silex) étaient destinées à
infliger des blessures de type contondante ou tranchante / contondante
provoquant des fractures multiples. En
fait, cette polémique n’en est pas une, le pouvoir vulnérant des armes dépendant
avant tout de celui qui s’en sert : un simple bâton peut être une arme létale
et une épée peut se révéler plus dangereuse pour son porteur que pour sa
victime, s’il ne sait pas correctement la manier. La
plupart des armes utilisées par les indiens du Postclassique récent11 pouvaient neutraliser un adversaire et, si nécessaire, le tuer. Et certaines,
comme le macuáhuitl étaient
clairement destinées à infliger des blessures mortelles. Il
suffit de relire les passages de quelques chroniqueurs pour comprendre que seules
les protections dont disposaient les Conquistadores leur permirent régulièrement
d’échapper au pire. Ainsi,
Cortès raconte comment : « [---] les indiens qui me chargeaient
(il était à cheval, ndla) ne purent, grâce à ma cuirasse, me faire grand mal,
mais ils me meurtrirent le corps »
[11, p. 160].« [---] ils nous attendaient et nous ne
pouvions les aborder sans être couverts de flèches ; de sorte que, si nous
n’avions été défendus par nos armures, je crois qu’aucun de nous n’eût échappé
»[11, p. 310].
Les
sources iconographiques sont également porteuses d’informations concernant le
pouvoir vulnérant de ces armes. Ainsi, les codices comme le Lienzo de Tlaxcala ou le Codex Florentino présentent de
nombreuses scènes d’affrontement entre Mexicains et Conquistadores (et leurs
alliés) et les corps mutilés y sont très présents (fig. 13). Or, on sait que les décapitations et démembrements
étaient possibles car couramment pratiqués lors de cérémonies sacrificielles (fig. 14 &
fig. 15). Cependant,
s’il ne devait être possible de sectionner qu’au niveau des articulations (fig. 16), on peut quand même se
demander si les dégâts illustrés (fig. 13)
ne sont pas également le fait des
macuáhuitl Tlascaltèques ou Mexicains
(en plus des épées espagnoles)? Certaines
reconstitutions récentes ont tenté de tester le pouvoir vulnérant du macuáhuitl en le reconstituant au mieux.
Ainsi, en 2006, Marco Antonio Cervera Obregón a publié son travail [7]
sur une réplique inspirée de toutes les sources disponibles (historiques et
iconographiques essentiellement, le dernier exemplaire archéologique connu
ayant été détruit en 1849 lors de l’incendie de l’Armurerie Royale de Madrid).
Si des inconnues demeurent12, ces expériences
ont au moins le mérite de matérialiser un modèle et de travailler sur du
concret.
Figure
13 : scène de bataille (d'après le codex Florentin, © INAH)
|
Figure
14 : scène de décapitation (d'après le codex Laud, © FAMSI)
|
Figure
15 : décapitation symbolique (d'après le codex Laud, © FAMSI)
|
Figure
16 : scène de démembrement rituel (d'après le codex Florentin, © INAH)
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4
- Les découvertes archéologiques
Venons
en maintenant à l’apport de l’archéologie dans ce domaine. Ces dernières années
ont été riches en découvertes, et pas seulement au Mexique. Les études portant
sur des cas de violences interpersonnelles entre colonisateurs et autochtones
sont très rares. Mais ces données, aussi fragmentaires soient-elles, sont
précieuses. Ainsi,
certains des restes osseux découverts à Tatham
Mound (en 1984), un site de Floride daté du XVI°, portent des traces
susceptibles d’avoir été laissées par des armes métalliques espagnoles [22].
Certains
artefacts Européens retrouvés en contexte permettent de dater les couches
stratigraphiques associées à la première moitié du XVI°, ce qui correspond à la
période de l’expédition Espagnole entreprise par Hernando de Soto dans la
région (1539-1543)[25].
Après
une première analyse, on trouvera que 12 éléments osseux étaient susceptibles
d’être porteurs de marques dues à des armes métalliques. Une seconde analyse en
laboratoire portera ce nombre à 18, incluant de nouveaux éléments et en
excluant d’anciens. Sur les 18 retenus, 17 sont des os longs (11 fémurs, 2
tibias, 3 humérus et une fibula), le dernier étant une scapula. Si tous appartiennent
à la couche stratigraphique contemporaine à la Conquête, 9 seulement purent
être rattachés à des sépultures spécifiques, représentant un total de 5 ou 6
individus. Si l’on compare ces données à celles issues des fouilles de Visby [34].,
on se rend compte que les os longs (ceux des bras et des jambes) sont aussi les
plus souvent touchés. Les jambes étant une cible de choix, en particulier le
tibia (qui représente à lui seul 56 % des blessures sur les os longs). Le fémur
est le deuxième os de la jambe le plus touché avec 12 % des blessures sur les
os longs. Il ne faut cependant pas trop extrapoler car la situation est tout
autre (tactiquement et surtout statistiquement). Les
difficultés, dans le contexte de Tatham
Mound, étaient de plusieurs ordres : distinguer les traces de dommages
perimortem de ceux liées aux processus post-dépositionnels et déterminer
si les traumas étaient bien causés par des armes européennes et non pas
indigènes...
Concernant
le premier écueil, il est emblématique de la recherche dans ce domaine et n’est
pas propre à ce site, la problématique de la distinction perimortem /
postmortem est un des aspects fondateurs de la paléopathologie appliquée à la
B.A. et il ne s’agit pas ici de revenir sur la théorie. On peut néanmoins
rappeler que le contexte de la fouille et son bon déroulement est aussi
important que l’analyse des restes osseux. Quant
au deuxième, deux types de dommages étaient présents sur ces éléments
osseux : ceux portées par un coup oblique (qui par trois fois sectionne,
ou manque de le faire, l’os) et ceux perpendiculaires à l’axe long de l’os
concerné. La majorité de ces derniers fut finalement attribuée à des dommages
post mortem, à l’exception de deux : un fragment d’omoplate dont
l’acromion a été sectionné net et un fragment d’humérus dont la diaphyse est
sectionnée au trois quart, avant de se briser (élément caractéristique des
blessures par lames d’épées). Diverses études [14-27-34-35]
ont en effet
montrés que les blessures par armes métalliques avaient une configuration
caractéristique, que ce soit pour les coups obliques ou perpendiculaires à la
surface de l’os.
Concernant
les dommages obliques sur les os longs, une fibula porte une marque de même
nature que celle visible sur un tibia d’une victime de la bataille de Visby (fig. 17). Un fémur et un tibia
(gauche tous les deux) portent de nettes marques de coups sur la diaphyse, la
cavité médullaire étant même entamée sur ce dernier. Malgré
les difficultés d’interprétations de ses restes osseux, Tatham Mound demeure donc un des très rares cas où il est possible
de distinguer les traces éventuelles d’affrontements entre Indiens et européens.
Une
autre étude portant sur une blessure par arme, publiée à la même époque, mérite d’être citée :
celle d’une sépulture primaire découverte à Vista
Hermosa (Tamaulipas) et datant du postclassique récent
[33].
Le
sujet (féminin, la trentaine) avait été décapité, probablement dans le cadre
d’un rite sacrificiel. La décapitation fut confirmée par la présence de traces
d’instrument tranchant sur les vertèbres cervicales. Or, comme le rappelle les
auteurs : « Ces
traces sont inévitables étant donnée la conformation du rachis cervical: les
vertèbres sont imbriquées de telles manière qu'il est impossible de sectionner
le cou sans butter sur un processus articulaire, épineux ou unciforme »
[33, p. 236]. Ainsi,
trois encoches étaient visibles sur l’axis (fig. 18). La plus profonde apparaissant sur l'hémi-arc neural droit. Elles sont
accompagnées par des incisions plus légères mais néanmoins nettement visibles. D’autres
marques sont également présentent sur la base du crâne et la mandibule (fig. 19). La taille des incisions
et des entailles varie : l’encoche la plus marquée correspond à un coup
violent (à l’aide d’un instrument emmanché) sur la partie postéro-latérale
droite du cou. Les bords sont en forme de U,
parallèles, trop large pour correspondre à une lame prismatique et trop
étroit pour provenir d’une hache en pierre polie. Les auteurs privilégient
l’hypothèse d’une lame de hache en bronze.
Figure
17 : tibia portant les traces d'une arme tranchante ( in [34])
|
Figure
18 : les trois encoches profondes sur l’axis ( in [33])
|
Figure
19 : marques d’instrument tranchant sur la base du crâne et la mandibule ( in
[33]
|
Une
autre étude ostéologique laissant apparaître des traces de blessures perimortem
liées à des armes fut publiée en 2002 [2].Trois individus
furent découverts dans un sarcophage massif sous le temple XIII de Palenque
(Chiapas) : une dignitaire et deux accompagnants sacrifiés pour
l’occasion. Sur ces derniers (sépultures XIII-1 et XIII-2), des traces d’emploi
d’une arme tranchante sont identifiables sur le matériel osseux. XIII-1 a la troisième
vertèbre cervicale sectionnée et, de la même façon qu’à Vista Hermosa, c’est ce coup qui est à l’origine de la mort (absence de
réaction périostée). XIII-2 porte pour sa part des empreintes profondes
de coups sur deux côtes, trois vertèbres thoraciques (fig. 20) et une lombaire ainsi qu’un fragment d’apophyse
indéterminée. Là encore, l’absence de réaction périostée indique que ces
blessures sont d’origine perimortem. Ces lésions traumatiques post crâniennes ont
été faites à l’aide de haches ou d’autres grandes lames. Cette étude,
à défaut de traiter d’un contexte belliqueux et bien qu’elle fasse référence à
une époque antérieure à celle qui nous intéresse13, a le mérite d’apporter des éléments
de comparaison et d’analyse concernant des blessures provoquées, selon toute
probabilité, par une arme lithique (silex ou en obsidienne) telle que celles
communément employées lors des sacrifices en zone maya (fig. 21, fig. 22
& fig. 23). Elle vient également conforter les
propos de Robicsek et Hales qui, dans leur article de 1979, soulignaient
que : « Le tranchant de certaines d’entre elles (lames
d’obsidienne) excède celle d’un rasoir ou d’un scalpel contemporain » [32, p. 67].
Figure
20 : traces d'une arme tranchante sur la onzième vertèbre thoracique de
l’individu de la sépulture XIII-2 ( in [35])
|
Figure
21 : personnage tenant une hache, vase Maya (Kerr Number 1229, © mayavase.com)
|
Figure
22 : personnage tenant une hache, vase Maya (Kerr Number 1229, © mayavase.com)
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Figure
23 : personnage tenant un couteau sacrificiel, vase polychrome Maya (Kerr Number
0694, © mayavase.com)
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A Tecoaque (actuel Zultépec), dans l’état de Tlaxcala, Mexico, l’année 2006 marqua la
fin d’une campagne de fouille longue de seize années aboutissant à une
découverte unique dans l’histoire de l’archéologie Mexicaine : celle des
restes d’une colonne Espagnole (accompagné d’alliés Indiens) provenant du
Veracruz et capturée par les Mexicains. Les prisonniers furent sacrifiés et
inhumés sur place. Les sources historiques14 mentionnent effectivement la disparition d’un tel
convoi pendant l’été 1520. Ce colossal projet (la zone fouillée recouvre un
hectare et demi), dirigé par l’archéologue Enrique Martínez Vargas, a permis de
mettre au jour plus de dix mille pièces et restes osseux représentant plusieurs
centaines d’individus : hommes, femmes et enfants d’origines diverses15 Les
analyses d’anthropologie physique ont permis de déterminer que, sur les
quelques 400 squelettes mis au jour, une quarantaine étaient d’origine
européenne (fig. 24 & fig. 25).
En plus des sépultures multiples, de nombreux ensembles funéraires furent exhumés
aux alentours du grand temple, certains soigneusement ordonnés, d’autres sans arrangements
apparents. 14
crânes furent retrouvés dans un même dépôt funéraire. Sept crânes étaient
masculins et sept féminins. Les caractéristiques morphologiques des crânes
masculins permirent de leur attribuer une origine amérindienne : trois
appartenant au groupe otomi, deux issus de la Côte du Golfe et les deux
derniers se rapprochant de groupes ethniques du Mexique central, probablement Tlascaltèques
(fig. 26). Le groupe des femmes,
à l’exception de deux, est d’origine européenne. Les individus étaient âgés de
vingt à trente ans et les crânes portaient les stigmates du tzompantli (mot náhuatl signifiant rangée ou file de crânes), c'est-à-dire que la
tête des sacrifiés a été décharnée et perforée au niveau des temporaux avant
d’être disposée sur le dit monument (fig.
27 & fig.
28). Plusieurs chevaux subirent le même sort. Des
traces de découpes étaient visibles sur beaucoup, indiquant qu’ils avaient bien
fait l’objet d’un banquet rituel, consécutif aux sacrifices. De même, une
majorité des éléments de squelettes postcrâniens présentent des traces de
démembrement et de décharnement, confirmant cette hypothèse. Ainsi,
Tecoaque est probablement destiné à
devenir un site emblématique, car en se dévoilant au cours de ces longues
années, il révèle l’un des aspects les moins connus de la Conquête : celui
de l’Indien triomphant.
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Figure
24: crâne d'origine européenne, Tecoaque ( in [28]
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Figure
25: crâne d'origine européenne, Tecoaque ( in [28])
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Figure
26: crâne, attribué au groupe tlaxcaltèque, Tecoaque ( in [28])
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Figure
27: tzompantli tel que figuré dans le codex Florentin (© INAH)
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Figure
28: reproduction de la disposition des crânes, Zultepec (©
infrenchinthetext.com)
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Publiée
en 2010, une étude sur deux cimetières Péruviens situés dans la zone
archéologique de Puruchuco-Huaquerones, à une quinzaine de
kilomètres de Lima, apporte des éléments inédits à l’archéologie et l’histoire militaire
de la Conquête
[31].
Si plus de 4000
kilomètres séparent ces deux théâtres, l’équipement des
conquistadors arpentant le Pérou était le même que celui des hommes explorant
le Mexique et les enseignements provenant d’une zone sont ainsi valables pour
l’autre. Les
deux sites, 57AS03 et Huaquerones
sont contemporains et distants d’un peu plus d’un kilomètres l’un de l’autre.
Les artefacts mis au jour sur le site (céramiques et textiles) permettent de
fixer une chronologie d’occupation allant de 1470 à 1540 A.D.
La
plupart des 519 individus étudiés (321 provenant de Huaquerones et 198 de 57AS03) étaient complets. L’étude porte sur
les traumas des individus de 15 ans et plus, soit 258 (soit 132 hommes, 105
femmes et 21 indéterminés). Des traces de blessures (crâniennes) contondantes,
perforantes et par arme à feu furent identifiées (et ces dernières
radiographiées afin de détecter d’éventuelles traces de métal). 57AS03
présente une fréquence de trauma perimortem presque double à celle de Huaquerones: 25.8% (proportion que l’on
retrouve généralement dans les contextes de massacres ou de batailles) contre
13%. Les
hommes ont (en prenant en compte les deux sites) des taux de blessures perimortem
plus élevés que les femmes ; les blessures aux crânes étant également plus
fréquentes chez ces derniers (13.2 %, soit 34 sur 248 individus). Une grande
majorité des blessures crâniennes semble être d’origine contondante, avec
fractures radiatives et / ou concentriques à proximité du point d’impact (fig. 29). Il y a aussi de nombreux
cas de blessures multiples (et mixtes). Les
blessures postcrâniennes sont également présentes (essentiellement des fractures
concernant les côtes, la scapula et le radius / tibia). 18 individus à 57AS03
présentent des blessures crâniennes et postcrâniennes. À Huaquerones,
cette proportion est beaucoup plus faible. Quelques
individus de 57AS03 ont des blessures pouvant avoir été occasionnée par des
armes européennes.Ainsi,
le crâne de la sépulture 123 présente sur le pariétal gauche une cavité qui pourrait
être le fait d’un projectile d’arme à
feu (fig. 30).
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Figure
29: fracture de type contondant, pariétal gauche. Sépulture 48 de 57AS03 ( in
[31])
|
Figure
30: crâne de la sépulture 123 présentant des traumas perimortem. Vue de gauche présentant un possible impact de projectile; vue de droite présentant un trauma (par
pénétration ?) sur l'os frontal avec fractures multiples (
in [31])
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Cependant,
bien que la table externe présente une légère dépression et que le fragment
d’os expulsé par le « projectile » ai été retrouvé dans la cavité
endocrânienne, avec une légère trace de compression (fig. 31), les analyses radiographiques n’ont pas détectées de
traces métalliques et aucun projectile n’a été mis au jour lors de la fouille.
Par contre, la présence d’un deuxième orifice, indiquant un éventuel trou de
sortie est un élément en faveur de cette hypothèse (même si les auteurs
reconnaissent que l’hypothèse d’un coup contondant n’est pas totalement écartée).
Le fait que le crâne soit partiel complique également l’interprétation des
données. Une
autre sépulture (Burial 231, une
jeune femme de 16 à 18 ans) présente un cas assez similaire : une large
cavité ovoïde sur la partie supérieure gauche de l’os frontal (fig. 32), un fragment osseux
également présent dans la cavité endocrânienne, aucune trace de projectile éventuel
ni d’orifice de sortie ou de métal à l’état de trace. L’individu
de la sépulture 248 (un homme de 18-20 ans) porte lui 3 blessures
quadrangulaires sur le pariétal gauche (fig. 33). Les perforations sont d’une taille similaire (8x5.25mm), indiquant
qu’elles ont probablement été produites par le même instrument. Ce cas est
intéressant car très semblable à l’un de ceux retrouvé à Towton16 [34] où le même type de blessure est observable.
Une arme d’Hast comme la hallebarde peut être à l’origine de celle-ci.
Figure
31: crâne de la sépulture 123, détail de l’endocrâne au point d'impact, avec
l'esquille ( in
[31])
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Figure
32: le crâne de la sépulture 231, présentant des traumas similaires à ceux de
la sépulture 123 (in
[31])
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Figure
33: crâne de la sépulture 248, on distingue nettement la forme rectangulaire de
la blessure perforante ( in [31])
|
Le fait que
les blessures par arme tranchante (de type épée) soient absentes et
l’importante proportion de traumas par armes contondantes conforte l’hypothèse
d’un affrontement entre quelques espagnols accompagnées de troupes autochtones
alliées (essentiellement équipées de masses et casses têtes). Ce type d’affrontement
ayant précisément eu lieu en 1536, à 12 kilomètres du site présent. Or, les
sources indiquent qu’une partie des insurgés vaincus, s’enfuit par la vallée de
la Rímac, où se situent les deux
sites dont nous venons de parler. D’autre
part, il faut rappeler que l’utilisation de ce type d’arme n’implique pas
automatiquement des traces sur le squelette. Quoiqu’il en
soit, ces traces sont sans doute, actuellement, les plus probantes que l’on ai
trouvé en Amérique Latine concernant les cas de violences interpersonnelles
directement liés à la Conquête. Sans parler du fait que les Aztèques avaient la
fâcheuse habitude, archéologiquement parlant, de brûler les corps des défunts,
ce qui n’est pas le cas au Pérou (ce qui laisse espérer d’autres découvertes similaires).
5
- Conclusion
Ces travaux
laissent apparaitre l’essor d’une nouvelle branche de l’archéologie
précolombienne. Ils permettent également de réaliser que, proportionnellement
parlant, les combats entre Européens et natifs ne représentent en fait que la
partie émergé de l’iceberg et que l’essentiel des affrontements avaient lieu
entre Indiens. Cet aspect de la confrontation, même s’il est parfaitement
connu, est quelquefois sous estimé et montre en tout cas à quel point les
découvertes dont il est question ci-dessus sont exceptionnelles. L’avenir en
réservera probablement d’autres, souhaitons-le, avec, par exemple, la prochaine
publication des fouilles du complexe funéraire de Tlatelolco17 ou encore la tenue de colloques
spécialisés sur la question (comme celui d’août 2011 au Musée du Templo Mayor à Mexico).
Notes
1
- C'est-à-dire
à toutes les informations que celui-ci est
susceptible de renfermer : artefacts, restes osseux, traces d’aménagement du
terrain etc.
2
- Non pas que
le sujet n’était pas étudié avant mais il était noyé au milieu d’autres problématiques..
3 - L’expédition
d’Hernando de Soto en Amérique du Nord (à travers la Floride, le Mississippi et le Texas pour ne citer que quelques états
actuels traversés) eu lieu entre 1539 et 1543. Le passage dont il est question
ici
décrit une seconde revue d’arme, le lendemain d’une première tentative n’ayant pas satisfait le capitaine ; nous sommes alors encore en
Espagne.
4
- Ce court récit,
dit du "Conquistador Anonyme", est en fait la traduction Italienne d'un texte dont l'original Espagnol est perdu. L'auteur est, comme le titre le laisse supposer, inconnu et si cette source fut remise
en cause (L'historien Mexicain Federico Gómez de Orozco le soupçonna d'avoir été rédigé en Espagne en s'appuyant sur les récits d'autres voyageurs), il n'en garde pas moins une véritable valeur de témoignage, que celui-ci soit de première ou de seconde main. Le texte utilisé ici
est une traduction de la version publiée par Marshall H. Saville (1917).
5
- Si les historiens savent
depuis longtemps que Bernal Díaz del Castillo a
pris de nombreuses libertés avec l’Histoire,
on ne saurait nier qu’il a été homme de guerre et participé à de nombreux
affrontements avec les natifs. Et c’est bien cet aspect là qui
nous intéresse ici. Pour plus d’informations sur le sujet, nous renvoyons
les lecteurs à l’indispensable article de Michel Graulich [17].
6
- Armure
couvrant le torse et la taille, composée de petites plaques métalliques rivetées sur un support.
7
- Les
protections de type gorgerin, colletin et bavière étaient destinées à protéger la gorge et le cou.
8
- À noter que
les armes et protections employées dans la zone Maya étaient, à peu de choses près, assez similaires à celles du Haut Plateau
Central ; pour plus de détail, se reporter à PHF. Follett [16].
9
- Institut
National d’Anthropologie et d’Histoire, organisme du gouvernement fédéral Mexicain en charge, notamment, de tout ce qui touche au Patrimoine et à l’Archéologie.
10
- Arme plus
connue en Europe sous le nom de propulseur.
11 - Le postclassique
récent (ou tardif) étant la dernière étape dans la chronologie de l’aire culturelle Mésoaméricaine avant la colonisation.
Il s’étend du XIII° siècle à la conquête espagnole..
12
- Nature du
bois employé, poids de l’objet, répartition et écartement des lames entre elles etc.
13
- Nous sommes
ici au Classique Tardif, sous le règne de K'inich
Janaab' Pakal, au VIIème siècle de notre
ère.
14 - Hernán Cortés, López de Gómara et Díaz del Castillo.
15
- Des Tainos
venant des iles Caraïbes, des européens, des métisses, des Africains et diverses ethnies
Mexicaines.
16 - Cf. l'individu
41 du site de Towton.
17
- Étudié
depuis 2008 et datant de la période de la Conquête, c’est une
découverte sans précédent. Il comprend 6 niveaux et 131 individus.
Bibliographie
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[8] Cervera Obregón MA. 2007. El armamento entre los Mexicas, Gladius
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Historique Hoffmeyer, Editions Polifemo.
[9] Cervera Obregón MA. 2011. Guerreros Aztecas, Editions Nowtilus,
coll. « Historia incógnita », Mexico.
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by a Companion of Hernan Cortes, The Anonymous Conqueror.http://www.famsi.org/research/christensen/anon_con/index.html
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[15] Flannery K. 1983. Zapotec
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Research Series, Publication No. 4, New Orleans: Tulane University.
[17] Graulich M. 1996. La mera verdad resiste a mi rudeza: forgeries
et mensonges dans l'Historia verdadera de la conquista de la Nueva España de
Bernal Diaz del Castillo, Journal de la
Société des Américanistes, Volume 82, Numéro 82, pp. 63-95.
[18] Greenfield HJ. 1999. The origins of metallurgy: distinguishing
stone from metal cut-marks on bones from archaeological sites, Journal of Archaeological Science, Volume 26, pp. 797-808.
[19] Hassig R. 1988. Aztec Warfare : Imperial Expansion and
Political Control, Civilization of the American Indian series, no. 188, University
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[20] Hassig R. 1992. War and society in Ancient Mesoamerica,
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[21] Hoffmeyer AB. 1986. Las Armas de los Conquistadores, Las Armas de
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Arqueológicos del Noroeste de Tlaxcala, Catalogo de Colecciones Arqueológicas
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[29] Martínez Vargas E, Jarquín Pacheco AM. 2010. El
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http://www.letraslibres.com/revista/convivio/el-tzompantli-de-zultepec-tecoaque
[30] Medrano Enríquez AM.
2005. En busca de los muertos en campos
de batalla (Guerra del Mixtón 1540-41): la aplicación de las técnicas
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[33] Stresser-Péan G, Pereira G. 1995. Un cas anormal de décapitation Huastèque à
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[35] Tiesler V, Cucina A. 2006. The
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Chiapas : meanings of human companion sacrifice in classic Maya society, dans Janaab' Pakal of Palenque: reconstructing
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[36] Wenham SJ. 1989. Anatomical
Interpretations of Anglo-Saxon Weapon Injuries, dans Weapons and Warfare in Anglo-Saxon England, Sonia Chadwick Hawkes
(ed.), Oxford University.
[37] Williams A. 2003. The Knight and the Blast Furnace: A History
of the Metallurgy of Armour in the Middle Ages and Early Modern period,
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[38] Lien web, site de l’INAH : http://www.inah.gob.mx/index.php/boletines/8-investigaciones-y-estudios-historicos/923-las-armas-prehispanicas
PALEOBIOS ,17 / 2012 / Lyon-France ISSN 0294-121 X / Vers une paléopathologie de la Conquête Espagnole au
Mexique et au Pérou /Renaud
Figueres
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