Les représentations humaines, sexuelles et sexuées, au Paléolithique supérieur, en Europe [Mémoire du CSBM Anthropologie (2005/163), présenté par Laure PIERREL] [ retour au menu général de navigation] 1 - L'art pariétal et mobilier : sa naissance, son évolution, ses artistes
L'archéologie, la paléontologie et même la génétique ouvrent aujourd'hui un immense champ de recherches concernant « l'Homme des Origines », et nous permettent de nous appuyer sur d'autres indices, davantage scientifiques que les mythes et les idées reçues qui ont construit la Préhistoire depuis la première moitié du dix-neuvième siècle. André Leroi-Gourhan, dès 1965, avait fait la remarque que nos représentations de l'homme - et de la femme - préhistoriques étaient fortement et essentiellement dépendantes de la Bible et de lieux communs empruntés au débat sur les origines de l'Homme. Rappelons en effet que lors de la découverte des premiers hommes fossiles, les réactions populaires étaient de l'ordre du scandale et de l'humiliation, n'étant pas concevable que l'Homme « descende du Singe » ( thèse de Cuvier, partisan des théories fixistes de l'Evolution et s'opposant au transformisme darwiniste ). Toutefois, l'imagination est nécessaire à la science ; c'est elle qui permet d'élaborer théories et hypothèses de travail que les découvertes sur le terrain viendront ultérieurement valider ou bien invalider. Il ne faut cependant pas que le scientifique tombe dans une sorte d'ethnocentrisme culturel en projetant le présent dans le passé, ou en restant prisonnier des courants de pensée de son époque. Science et imagination, ou fiction, ne sont pas contradictoires, mais plutôt complémentaires. L'imagination ne se réduit pas à des archétypes, mais crée en fonction des découvertes. Pouvoir penser l'homme préhistorique comme proche de l'homme moderne dans ses comportements nécessite de le distinguer de l'animal, et donc de le doter d'une pensée. L'étude anthropobiologique et anthropométrique des hommes fossiles a permis de relier changements morphologiques ( augmentation du volume cérébral, bipédie,... ) et changements culturels ( langage, pensée, religion ?... ) ; et l'on entrevoit ainsi la possibilité qu'Homo sapiens élabore un « art », pariétal et mobilier ( on parle d'art « pariétal » pour caractériser l'art du fond des grottes, et d'art « rupestre » pour les manifestations d'abris-sous--roches peu profonds, surtout au Néolithique, mais aussi un peu dès le Paléolithique ; l'art « mobilier » désigne tout objet manufacturé ). 1.1- L'art au temps du Paléolithique Supérieur A chaque nouveau gisement exploré, la vision de nos ancêtres directs, imaginés tels des êtres très primitifs, sauvages, aux pensées courtes, au langage inarticulé, dessinant leur gibier au fond des grottes en pensant ainsi pouvoir le capturer à l'air libre..., évolue. Actuellement, Gilles Delluc (1981) observe que « les Européens d'aujourd'hui sont génétiquement plus proches des Cro-Magnons d'il y a 25000 ans que des Africains ou Asiatiques actuels ». On peut avancer ces propos grâce aux nouveaux systèmes de datation ; les premiers « artistes » préhistoriques auraient œuvré entre environ 30000 et 10000 avant notre ère. Les préhistoriens ont donc essayé de découper ces 20000 ans en cultures, en fonction des styles et des techniques employés. 1.1.1 - Rappels chronologiques préliminaires La Préhistoire se découpe, chronologiquement, en grandes périodes :
En ce qui concerne l'art, reconnaissons tout d'abord la difficulté de dater les œuvres d'art. Les outils taillés, quant à eux, peuvent l'être grâce à la stratigraphie des sédiments et à la datation absolue du matériel organique associé. L'art mobilier ( statuettes, pendeloques,... ) peut, a priori, être daté comme l'outillage. Mais l'art pariétal n'a pas de rapport avec la stratigraphie. Les éléments de datation sont donc : les « outils à graver » retrouvés près des gravures ( burins,... ) ; la dégradation de l'œuvre : des fragments tombant dans une couche stratigraphique ont pour origine la couche antérieure à cette dernière ; les superpositions de peinture ; la comparaison, d'après l'Abbé Breuil ; elle est plus difficile et plus dangereuse car on compare les peintures pariétales avec la forme des figurations, les sujets, styles et techniques d'autres oeuvres mobilières datées ; la formation d'une couche de calcite qui atteste du fait que les peintures ne sont pas récentes ; la datation des charbons de bois des torches ayant servi à éclairer l'artiste ( exemples : la grotte de la Vache, à Bidon, Ardèche : -25000 ans ; la grotte Chauvet, à Vallon Pont d'Arc, Ardèche : -32000 ans ). Malgré ces difficultés de datation, c'est d'environ 35000 avant J.-C. qu'est datée la naissance de l'art préhistorique, ce qui correspond au Paléolithique Supérieur et à l'entrée en scène de l'Homo sapiens moderne. Cette période est marquée par de grands épisodes froids, l'amélioration de l'outillage en silex et en os, le développement de la vie sociale et l'apparition d'un art rupestre et mobilier remarquable. On imagine l'Europe comme une vaste étendue de toundras glacées, et l'homme paléolithique comme le chasseur de « l'époque du renne ». Le Paléolithique Supérieur est en effet concerné par les glaciations, Würm III et IV. La faune est en grande partie différente de l'actuelle. Les grands herbivores froids d'Europe sont : mammouth, rhinocéros laineux, renne, boeuf musqué, antilope saïga, lemming à collier, renard polaire, lièvre des neiges, hibou, perdrix des neiges, ... Quand le climat est plus clément, la faune tempérée domine : auroch, bison, cerf et surtout cheval. Les grands prédateurs carnivores ( ours, hyène, lion ) disparaissent, quant à eux, assez vite. 1.1.4- Les divisions artistiques générales du Paléolithique Supérieur Selon Leroi-Gourhan (1965), « Un archéologue du futur, cherchant comment diviser de manière expressive notre durée depuis le Moyen-Age, créerait sans doute l'échelle chronologique suivante : arcien, arbalétien, arquebusien, mousquetien, fusilien, fuséen, etc..., qui rendrait bien compte de la discontinuité progressive de notre équipement militaire mais qui n'aurait aucune prise sur la continuité réelle de nos langues et de nos traditions religieuses. ». Leroi-Gourhan a néanmoins élaboré une classification en quatre styles du Paléolithique Supérieur. Ces styles ( de I à IV ) caractérisent plusieurs périodes : la période préfigurative ( marquée par l'absence de figures ) ; elle correspond à la culture moustérienne, dès 50000 BP ( utilisation de l'ocre, ramassage des fossiles... ), et au Châtelperronien, dès 36000 BP ( parure, os et plaquettes incisés... ) la période primitive ( styles I et II ) ; par exemple à la Ferrassie et à l'Abri Cellier ( Dordogne, France ), à Isturitz ( Pays basque, France )... la période archaïque ( style III ) ; par exemple à Lascaux ( Dordogne, France ) la période classique ( style IV ancien ), puis la période tardive ( style IV récent ) ; exemples : à Niaux, aux Trois-Frères et au Portel ( Ariège, France ), à Altamira ( Santander, Espagne ), aux Combarelles, à Rouffignac, et à Font-De-Gaumes ( Dordogne, France ) ...
1.1.5 - La « Révolution symbolique » Le Paléolithique Supérieur est donc caractérisé par une « Révolution symbolique » ( Nougier, 1982 ) avec la naissance des mythes, le début du langage symbolique, l'art rupestre et mobilier, la généralisation des sépultures avec offrandes ( les premières sépultures datent du Paléolithique Moyen vers 100000 BP ), la diversification des outils en os notamment : harpons, aiguilles, pointes de flèches... D'autres théories situent pourtant la naissance de l'art antérieurement au Paléolithique Supérieur. En effet, silex et colorants existaient avant 35000 BP. De plus, la définition de l'art peut inclure la musique, la danse, l'artisanat, la décoration, la peinture corporelle, voire les outils ( parfois décorés ; Leroi-Gourhan parle d'« esthétique fonctionnelle » ). Ainsi, une nouvelle théorie de l'apparition de l'art divise sa naissance en quatre étapes : l'esthétique dans le monde animal ( plumages gracieux... ), ce qui n'existe pas chez l'homme ; à -1 million d'années : les premiers « beaux outils » ( bifaces ; utilisation de la roche colorée... ) ; à -200000 ans : l'ocre était peut-être utilisée pour les parures corporelles ; pratique de la danse et du chant ? ; à -40000 ans : apparition de l'art rupestre et mobilier ( grottes, abris-sous-roches ) ; parures ; cette période marque toujours un grand bon culturel. Il n'est donc plus universellement admis que les grottes Chauvet et Lascaux représentent le « naissance de l'art », mais tout le monde admet que c'est un tournant majeur dans l'art paléolithique. 1.1.6 - Répartition géographique des principaux sites préhistoriques européens L'art paléolithique s'étend, outre le continent eurasien, à l'Afrique, l'Amérique, l'Océanie, l'Asie. Mais nous restreindrons notre étude à l'Europe, s'étendant jusqu'à la Russie actuelle et au Proche-Orient, qui regroupe la majorité des grottes ornées ( fig. 1). Ces sites sont répertoriés en cinq grands groupes dont les deux premiers sont les principaux : la région Pyrénées-Aquitaine : Pyrénées, Quercy, Périgord, Charente, Poitou. Les œuvres y sont très abondantes : on compte notamment plus de cent figurations féminines, mobilières et pariétales, dans des grottes, des abris ou en surface. la zone méditerranéenne : péninsule ibérique et Italie. Cette région est également très riche en œuvres préhistoriques, mais on recense peu de représentations féminines. la région Rhin-Danube, et le bassin parisien, le Massif Central. La vallée du Danube étant, au Paléolithique, la voie de communication entre les plaines russes, le Rhin et l'Europe occidentale, elle a guidé le cheminement des civilisations et des techniques. la Russie : on distingue le groupe oriental et le groupe occidental. Il existe un vide entre le groupe russe et le groupe rhino-danubien. la Sibérie : il y a également un vide entre le groupe russe et le groupe sibérien. Les formes artistiques varient entre les continents et selon le groupe social au sein d'un même continent ; les régions se distinguent par la taille des représentations, leur nombre, les matériaux... : on peut parler de styles régionaux. Néanmoins, il existe des réseaux et, par conséquent, une uniformité relative. Il y a donc eu des centaines de cultures très différentes en fonction du temps, mais aussi en fonction de l'espace. 1.2 - Les choix artistiques d'Homo sapiens L'art préhistorique a supposé plusieurs choix de la part de l'artiste, qui sont les suivants. La peinture, gravure ou sculpture peut être réalisée au niveau d'une grotte, d'un abri, d'une paroi à l'air libre, ou bien même sur des galets, des os, etc... Il faut également faire le choix de la forme du support, notamment s'il s'agit de la paroi d'une grotte. Souvent, ces parois sont utilisées dans leur aspect naturel : le dessin s'organise alors autour d'une fissure au sein de la roche ; le relief est utilisé afin de créer une perspective - notamment à l'époque magdalénienne. On peut ici donner l'exemple du groupe sculpté central d'Angles ( Vienne, France ; époque magdalénienne ) : on y voit trois torses féminins, étroitement juxtaposés, le galbe et le sexe nettement marqués, qui se limitent au-dessus de la taille du fait de la présence du surplomb de la falaise ; ce sont « les trois Vénus d'Angles ». La lumière naturelle pénétrant dans la grotte est captée et permet de créer les ombres et parfois de rendre les animaux vivants... Les artistes s'éclairaient d'ailleurs à l'aide de lampes à huile, à suif, et peut être par le feu directement, au fond des grottes ( fig. 2). Des échafaudages étaient nécessaires pour atteindre le plafond des grottes. La couleur est choisie : celle, naturelle, de la roche et celle des colorants. Les matériaux employés pour la peinture sont le charbon de bois ( noir ), l'ocre ( rouge ou jaune ), l'oxyde de manganèse ( noir ), la limonite ; les teintes peuvent être mélangées ou non ( fig.3 ) - c'est souvent le cas au Magdalénien. Chronologiquement, l'ocre, jaune puis rouge, le noir, et enfin le blanc, sont employés. Leur application se fait avec des sortes de crayons d'ocre et des morceaux de charbon de bois ( fusains ) ; ou bien au doigt ou à l'aide de pinceaux végétaux ( pour les teintes sous forme liquide ). Deux modes d'application sont assez particuliers : les gros points juxtaposés ( fig.4) et la technique du soufflé. Cette dernière se fait avec de l'ocre mâchonnée et projetée directement de la bouche jusque sur la paroi ; ce procédé permet de peindre sur des supports irréguliers, de créer des dégradés de teintes et de réaliser notamment les mains négatives ( fig.4). 1.2.3 - La gravure et la sculpture La gravure, très répandue, va de la trace fine donnant impression de vie et laissée par la pointe d'un burin de silex, à des incisions plus profondes. De véritables bas-reliefs sont parfois sculptés sur les parois. Des plaquettes ou des statuettes peuvent aussi être sculptées ou gravées : il s'agit d'art mobilier. Le raclage de la roche permet de faire apparaître une teinte plus claire et donc de produire des effets de couleur et de volume. Les thèmes font l'objet d'un autre choix pour Homo sapiens. Si l'on contemple le « corpus artistique» préhistorique, il est frappant de prendre conscience d'un manque significatif : les paysages, la flore, les éléments géologiques ne sont pas représentés ; il n'y a ni eau, ni terre, ni herbe, ni arbres. Les sujets figurés se répartissent en trois catégories principales : la faune, les humains et les signes.
1.3- L'évolution culturelle humaine 1.3.1- Identité des artistes et significations possibles données à leur art Ce que l'on sait d'Homo sapiens provient des études anthropobiologiques et anthropométriques, les techniques de datation des os, du terrain, de la faune... Il a un important volume cérébral ( 1600 cm³ ), une taille importante ; il enterre ses morts ; il chasse, travaille les peaux, fabrique des outils... En ce qui concerne le sexe, comme tous les autres comportements des hommes de l'époque, comme le dit Denis Vialou ( 1996 ) : « C'est vrai qu'on en sait rien ou en tout cas pas grand chose jusqu'à ce que l'homme s'exprime par cette projection de ses gravures et de ses peintures et qu'à ce moment-là des éléments nous apparaissent »... et notre imagination fuse et diffuse. Ce que l'on peut imaginer, c'est notamment par projection sur l'homme préhistorique des modes de vie des sociétés extra-occidentales actuelles, que l'on aurait jadis qualifiées de « primitives », et par projection des comportements des bonobos ( Pan paniscus, Chimpanzés nains ) aux mœurs sexuelles particulièrement développées proches de l'homme. Les premières découvertes de formes d'art paléolithique n'ont guère retenu l'attention des préhistoriens car reconnaître des capacités artistiques à Homo sapiens, si proche des Grands Singes, avait un caractère dérangeant et humiliant pour l'Homme... Selon une théorie un peu désuette, les premières interprétations font référence à l'art pour l'art : il s'agissait d'un pur divertissement car il ne pouvait y avoir là un quelconque aspect créatif. Le totémisme fut ensuite évoqué : l'animal totémique représenté et vénéré serait l'objet de prohibitions et d'une sorte de culte. Les animaux pourraient être les totems de différents clans préhistoriques ( Breuil, fin des années quarante ; d'après Internet 1 ). Cependant, un nombre limité mais certain d'animaux est porteur de flèches ou de blessures incompatibles avec la thèse totémique. Une troisième hypothèse, celle de la chasse magique, a alors été émise : ces animaux blessés le seraient en vue de pratiques magiques ( on parle de magie car elle plus facile à admettre qu'une religion primitive ) visant à favoriser la chasse, à apprivoiser l'animal. Il pourrait encore s'agir d'un art rituel, avec notamment des rituels de fécondité ( voir infra ). L'Abbé Breuil a soutenu une thèse chamaniste ( très controversée ) selon laquelle animaux ( et plantes ) seraient habités par des esprits promettant fertilité, etc... ( ibid. ) 1.3.2 - De l'évolution morphologique à l'évolution culturelle Depuis le dix-neuvième siècle ( avec Cuvier, Lamarck, Darwin ), l'origine de l'homme n'est plus envisagée comme une création, mais comme une filiation qui intègre l'homme au règne animal. Reconnaissant aujourd'hui la multiplicité des espèces, les archéologues ont rejeté toute conception linéaire et toute finalité de l'Evolution. L'Evolution humaine découle d'un processus hasardeux de sélection naturelle et sexuelle, c'est-à-dire qu'elle est dépendante de l'environnement extérieur et des choix reproductifs ( Cohen, 1999). Pour en revenir à l'origine de l'homme, l'Afrique serait le lieu le plus probable d'enracinement des Hominidés et du genre Homo. Les plus anciens hommes fossiles ont été retrouvés au niveau de la vallée du Grand Rift africain, mais il s'agit d'une région aux conditions géologiques favorables à la conservation des os. En fait, l'histoire de l'homme met en jeu des facteurs environnementaux et comportementaux plus complexes et les Hominidés se seraient dispersés sur le continent africain, « berceau de l'humanité » et auraient migré progressivement... La séparation de l'Homme d'avec les Grands Singes est datée d'entre sept et cinq millions d'années BP. La théorie du « Chaînon manquant » entre l'Homme et le Singe est aujourd'hui caduque : ce chaînon est-il unique ? L'extinction de la plupart des espèces, alors qu'entre quatre et un million d'années BP on assistait à un « buissonnement des espèces » ( Cohen, 1999 ), est normale et ne s'explique pas seulement par le fait que nous soyons les plus aptes à survivre ; d'autres auraient pu survivre. Certaines espèces se sont éteintes, d'autres ont poursuivi leur chemin puis sont revenues en arrière dans l'Evolution ; d'autres se sont émancipées : l'Homme ne « descend » pas du Singe. Selon les propos de Leroi-Gourhan ( d'après Cohen, Internet 2 ), « l'évolution humaine a commencé par les pieds », c'est-à-dire que la bipédie a permis la croissance du cerveau ; le déplacement des organes sexuels de l'animal vers l'avant du corps, rendant l'accouchement plus douloureux et plus risqué de par la modification du bassin et l'augmentation du volume de la boîte crânienne ; l'apparition de la culture ( production d'outils - bien que les singes en soient eux aussi capables... ) grâce à la libération des mains ; et la possibilité de communication par la libération du torse. Plusieurs théoriciens, dont Morris ( d'après Taylor, 1996 ), ont tenté d'expliquer l'évolution morphologique entre Singe et Homme, et notamment la perte des poils. La perte des poils est un désavantage, car il induit une déperdition thermique, mais elle serait compensée par les vêtements de peaux, et serait surtout la conséquence de la sélection sexuelle. Selon Darwin, la sélection naturelle dépend « de l'avantage d'individus des deux sexes et de tout âge, sous le rapport exclusif des conditions générales de vie » ; la sélection sexuelle dépend « de l'avantage que certains individus ont sur d'autres de même sexe et de même espèce, sous le rapport exclusif de la reproduction ». La sélection sexuelle serait à l'origine de la perte des poils chez la femme, dans un premier temps, car en l'absence de poils l'attirance des hommes pour les femmes est supérieure ; puis, dans un second temps, les hommes auraient perdu leurs poils, à moindre mesure, à l'image des femmes. Plus récemment, on évoque un « système de reconnaissance du partenaire spécifique » par perte des poils, sauf au niveau des organes sexuels ( alors imberbes chez les singes ), dans le but de faciliter cette reconnaissance ( Taylor, 1996 ). Pour d'autres encore, en ce qui concerne les attributs sexuels toujours, la bipédie, en masquant la turgescence de la région génitale chez la femme, aurait induit le développement d'un signal sexuel compensatoire par la nudité des seins et des fesses. Le développement des fesses permettrait, de surcroît, le stockage d'énergie en grande quantité, sans gêner les mouvements bipèdes, le pouvoir reproductif de la femme étant lié à la quantité de graisse dans le corps. Les seins auraient par la suite « imité » les fesses devenues des objets sexuels ( ibid. ). C'est donc ce qui fait la singularité humaine ; et c'est surtout la « conscience », c'est-à-dire pouvoir penser le monde et penser son destin ; et notamment la conscience de soi, d'où les représentations humaines. Celles-ci sont d'ailleurs, la plupart du temps, dépourvues de tête ( l'artiste ne pouvant voir sa propre image ? ou bien ne voulant simplement pas donner d'identité à son œuvre... ?? ). Notons également que « le langage ne peut se développer sans la prise de conscience de plusieurs solutions possibles en matière d'action » ( Taylor, 1996 ) ; le langage articulé est en effet fortement présumé comme mode de communication chez Homo sapiens, car indispensable à l'organisation sociale ( foyers, chasse, division du travail, partage de la nourriture... ). Le langage pourrait avoir été favorisé par l'acte sexuel qui implique lui-même le rapprochement entre les individus et l'introspection. On voit clairement se profiler l'importance du sexe et de la sexualité chez l'homme préhistorique, et l'importance qu'ils tiennent parmi les représentations artistiques de l'époque. Vialou (1996) dégage deux grands moments de l'histoire du genre humain. Tout d'abord, la bipédie qui permet le face à face ( la vision étant fondamentale et modifiant véritablement les comportements ) et une première induction de la sexualité ; chez les animaux, la préparation à l'acte sexuel est largement connue : les gestes, les parades sexuelles... La deuxième « grande révolution » pour la sexualité, est la mise en place de tous les systèmes de représentations pour le corps, « lien social par excellence ». Au sein même des sépultures, la différenciation des sexes est essentielle pour le groupe. Dans l'art, le corps est segmenté : la main, le sexe surtout ; or l'image sexuelle n'est pas neutre, l'effet d'image a modifié la sexualité en créant l'émotion, les réactions, la séduction : « d'entrée, quand l'Homme a mis en place des systèmes de communication, il s'est affirmé comme étant différent de tous les autres et dans cette différence, l'expression de la sexualité est très active. » ( Vialou (1996 ). |