Paul
d'Egine
( 620 - 690
)
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Etude des textes médicaux
anciens Extrait de texte
1 - Notice biographique
Paul d'Egine est né vers 620 après J.C. (mort
en 680 ou 690) dans la petite île du même nom,
située à quelques kilomètres du Pirée. Il doit
sa culture scientifique à l'Ecole
d'Alexandrie
["Avec Paul
d'Egine prend fin la grande lignée des
médecins, qui depuis Hippocrate, ont marqué
les principales périodes de la médecine
grecque classique, hellénistique,
byzantine"
(
P. Theil,
1965
. L'esprit
éternel de la Médecine. T.1,
L'Antiquité occidentale. La Médecine
praticienne. Paris,
p. 380)] .
Paul est célèbre (dans le monde arabe en
particulier) comme obstétricien mais également
par son traité de
Chirurgie
["Le livre de
Paul est sans contredit, avec celui de Celse,
tout ce que l'Antiquité nous a laissé de plus
complet sur la médecine opératoire" (R.
Briau, 1855, p.
53)]
.
2 - Sources bibliographiques
Nous avons utilisé la traduction du Traité de
Chirurgie, par R. Briau, parue chez Masson,
Paris, en 1855.
3 - Extrait de
texte [cf. Paul
d'Egine
/
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1.07 MB)]
( ... )
Chapitre
LXXXVIII
-
De
l’extraction des
traits.
Le poète Homère fait voir que
cette partie de la chirurgie, qui
a rapport à 1’extraction des
traits, est des plus nécessaires
quand il dit “Le médecin est un
homme qui en vaut plusieurs
autres, quand
il
retire les traits et répand sur
les blessures des remèdes
adoucissants ».
Nous devons dire d’abord quelles
sont les différentes espèces de
traits. Ils diffèrent quant à la
matière, quant à la forme, quant à
la grandeur, quant au nombre,
quant à leur disposition, quant à
leur puissance.
Quant à la matière . Ce que nous
appelons la hampe est en bois ou
en roseau. Le trait lui - même est
en fer, en airain, en étain, en
plomb, en corne, en verre, en os,
ou même aussi en roseau ou en
bois. En effet, on trouve toutes
ces différentes espèces
principalement chez les
Egyptiens.
Quant à la forme . Les uns sont
ronds, les autres sont anguleux
d’autres sont armés de pointes, et
parmi ceux - ci il y a ceux qui
ont des pointes, ceux qu’on
appelle lonchotes (
lancéolés
) et
ceux qui ont trois pointes. Il y
en a qui sont hérissés de piquants
et d’autres qui n en ont pas.
Parmi ceux qui en ont, les uns ont
ces piquants tournés en arrière,
afin qu’en voulant les retirer ils
percent au contraire ; les autres
ont les piquants tournés en avant,
afin qu’en les poussant ils
percent également; d’autres en ont
qui sont tournés en sens
contraires, à la manière des
foudres, afin que quand on veut,
soit les retirer, soit les
pousser, ils s’enfoncent au
contraire. Quelques - uns aussi
portent une charnière au moyen de
laquelle les piquants se tiennent
réunis, puis quand on veut
arracher le trait. ces piquants se
déploient et empêchent
l’extraction.
Quant à la grandeur . Les uns sont
grands et ont jusqu’à trois
travers de doigt de longueur, les
autres sont petits et ont un
travers de doigt de long ( ... );
d’autres ont une longueur
intermédiaire.
Quant au nombre . Les uns sont
simples, les autres composés,
c’est
-
à - dire qu’on y ajoute des fers
très ténus qui restent cachés dans
le fond de la blessure quand on
fait l’extraction du
trait.
Quant à la disposition . Les uns
ont la queue du fer insérée dans
la hampe, les autres l’ont creuse
pour recevoir la hampe ; et
quelques - uns ont le fer
fortement adapté à la hampe,
d’autres l’ont plus faiblement
fixé afin qu’ils se séparent quand
on veut les arracher et que le fer
reste dans la plaie.
Quant à la puissance . Les uns
sont sans poison, les autres sont
empoisonnés.
Telles sont les différentes
espèces de traits . Nous devons
dire maintenant comment on les
extrait chez ceux qui en sont
blessés, soit pendant la guerre,
soit en dehors de la guerre,
volontairement ou
involontairement, quelle que soit
la circonstance, et quelle que
soit la matière qui les
compose.
Il y a deux manières d’extraire
les traits des parties charnues ou
en les arrachant ou en les
repoussant . Chez ceux qui ont un
trait enfoncé superficiellement,
on l’extrait par arrachement. Il
en est de même pour ceux qui sont
profondément fichés, dans le cas
où l’incision des parties opposées
exposerait le blessé au danger
d’une hémorragie ou à celui que
crée la sympathie. On extrait en
les repoussant les traits qui se
sont fixés profondément quand les
parties opposées sont minces, et
quand il n’y a ni nerf, ni os, ni
autre chose semblable qui empêche
l’incision. Lorsqu’un os est
blessé, on retire le trait par
arrachement. Si donc le trait est
visible, nous opérons aussitôt
l’extraction s’il est caché, il
faut, dit Hippocrate, quand cela
se peut, observer le blessé dans
la position même où il se trouvait
quand il a reçu la blessure ; si
cela ne se peut pas, nous le
mettons dans une position aussi
rapprochée que possible de celle
où il était, après quoi nous nous
servons de la sonde. Alors, si le
trait est fixé dans la chair, nous
l’extrayons avec les mains ou à
l’aide du manche qu on appelle
hampe, qui le plus souvent est en
bois, s’il ne s’est pas séparé du
fer ; si, au contraire, ce manche
s est séparé, nous opérons
l’extraction avec un davier, ou
une pince, ou un béloulque
(
tire
- trait
), ou
quelque autre instrument
convenable ; et quelquefois nous
incisons préalablement la chair si
la blessure ne peut recevoir
l’instrument. Mais si le trait
s’est enfoncé jusqu’aux parties
situées à l’opposé et qu’on ne
puisse l’extraire par la blessure
d’entrée, nous incisons les
parties opposées et nous le
faisons sortir par cette incision,
ou en l’arrachant comme il a été
dit, ou en l’y poussant à travers
la blessure d’entrée, soit à
l’aide du manche s’il ne s’est pas
détaché, soit en enfonçant un
diostre (
poussoir
) en
faisant attention de ne diviser
aucun nerf, aucun tendon, aucune
artère ni aucune autre partie
essentielle ; car il est honteux
pour nous de faire dans cette
extraction un mal plus grand que
le trait lui -
même.
Mais
si le trait a une queue , ce que
nous connaissons à l’aide de la
sonde, nous y plaçons et y
adaptons la partie femelle du
diostre, et nous poussons le trait
; s’il est creux, la partie mâ1e.
Si le trait nous paraît avoir
quelques ciselures dans lesquelles
d’autres fers ténus pourraient
avoir été insérés, nous employons
de nouveau la sonde, et si nous
les trouvons, nous les enlevons
d’après la même méthode. Si le
trait, comme cela arrive, ayant
des pointes dirigées en sens
inverse, ne permet pas
l’extraction, on doit inciser les
parties qui l’entourent si aucun
des organes essentiels à la vie ne
se trouve dans le voisinage, et
après avoir mis à nu le trait,
nous l’extrayons sans rien
dilacérer. Quelques - uns placent
le tuyau d’un roseau autour de ces
mêmes pointes et les arrachent
ainsi entourées pour que leurs
piquants ne déchirent pas les
chairs.
Si la blessure n’est pas enflammée
, nous la cousons et nous lui
appliquons le pansement approprié
aux plaies saignantes ; s’il y a
de l’inflammation, nous la
traitons par des lotions, des
cataplasmes et d’autres moyens
semblables. Quant aux traits
empoisonnés, nous enlevons, si
cela est possible, toute la chair
qui a déjà été imprégnée par le
poison. On la reconnaît parce
qu’elle diffère de la chair saine
; en effet, elle est pile et
livide, et elle paraît comme
mortifiée. On dit que ( ... ) les
Dalmates enduisent les pointes
avec ( ... ) un poison qui tue
quand il est en contact avec le
sang des blessés ; mais mangé par
eux, il n’est pas nuisible et ne
leur fait aucun mal
[
ce passage est à rapprocher de
celui de
Celse
où cet auteur
écrit
: “ la succion d’une plaie
empoisonnée par morsure de serpent
ou par les flèches telles que
celles dont les gaulois se servent
à la chasse, est innocentée; mais
il faut que le suceur n’ait pas de
plaies à la bouche
”
].
Mais si le trait est fixé dans un os,
nous faisons encore des tentatives
avec les instruments, et si la chair y
met obstacle, nous débridons et nous
élargissons la plaie ; s’il est
profondément fiché dans l’os, ce que
nous connaissons parce qu’il est
solide et que nos efforts ne
l’ébranlent pas, nous enlevons avec un
ciseau la partie osseuse qui est
autour du trait, ou bien nous
perforons d’abord tout autour avec une
tarière si l’os est gros, et nous
libérons le trait. S’il y a
perforation de quelqu’un des organes
principaux, tels que l’encéphale, le
coeur, la trachée - artère, les
poumons, le foie, l’estomac, les
intestins, les reins, l’utérus ou la
vessie, et que déjà apparaissent des
signes mortels, et si surtout
l’extraction doit causer une grande
douleur, nous nous abstenons d’opérer,
de peur que, outre qu’elle ne
servirait à rien, nous ne fournissions
aux ignorants un prétexte de propos
injurieux( ... ).
Le diagnostic des blessures des
organes principaux n’est pas
difficile
; il
ressort de la nature particulière
des symptômes et des excrétions et
aussi de la situation des parties.
En effet, si les méninges sont
blessées, il en résulte une
douleur de tète intense,
l’inflammation et la rougeur des
yeux, la déviation de la langue et
de l’intelligence. Si avec elles
l’encéphale est en même temps
blessé, il y a collapsus, aphonie,
perversion des traits du visage,
vomissement de bile, saignement de
nez et d’oreille ( ...). Lorsque
le trait s’est enfoncé dans les
parties vides du thorax, l’air
sort par l’ouverture si elle reste
béante. Quand le coeur est blessé,
le trait apparaît près de la
mamelle gauche, non pas flottant
dans le vide, mais comme fixé dans
un corps solide et quelquefois
marquant le mouvement des
pulsations ; il y a écoulement
d’un sang noir, s’il trouve un
passage, refroidissement, sueur et
lipothymie, et la mort arrive sans
délai.
Lorsque le poumon est blessé, s’il
y a passage par la blessure, un
sang écumeux s’échappe de la
plaie, et s’il n’y en a pas, le
sang est plutôt vomi ; les
vaisseaux autour du cou se
gonflent, la langue change de
couleur, les malades aspirent
largement et cherchent l’air
frais. Quand le diaphragme est
atteint, le trait parait enfoncé
vers les fausses côtes,
l’inspiration est grande et se
fait avec gémissement et douleur
dans la totalité des parties
situées entre les deux épaules.
Lorsque l’abdomen a été blessé, on
sait quelle partie est atteinte
d’après la nature des évacuations
si la plaie est ouverte, soit que
le trait ait été enlevé, soit que
la hampe se soit brisée en dedans.
En effet, de l’estomac, c’est le
chyle qui sort ; des intestins,
c’est la matière stercorale
quelquefois aussi l’épiploon ou
l’intestin sort du ventre ; si la
vessie est blessée, c’est l’urine
qui s’échappe.
Ainsi donc, dans les blessures des
méninges et de l’encéphale, nous
extrayons le trait par la
trépanation du crâne, comme nous
le dirons tout à l’heure pour les
fractures de la tête. Dans celles
du thorax, si le trait ne cède pas
à nos tentatives, nous l’extrayons
au moyen d’une incision convenable
dans un espace intercostal ou même
en coupant une côte, après avoir
placé dessous le méningophylax.
Nous agissons de même pour les
blessures de l’estomac, de la
vessie et des autres organes
profondément situés. Si le trait
cède aux efforts, nous l’arrachons
sans vaine recherche ; sinon, nous
faisons une incision, et ensuite
nous employons un pansement
approprié aux plaies saignantes.
Pour les blessures du ventre, il
faut faire la gastrorrhaphie comme
on l’a dit, si cela est
nécessaire. Mais si le trait est
enfoncé dans quelqu’un des grands
vaisseaux, tels que les jugulaires
profondes, ou les carotides, ou
les grandes artères des aisselles
et des aines, et que son
extraction menace d’une abondante
hémorragie, il faut d’abord lier
les vaisseaux avec des fils de
chaque c6té de la blessure, et
faire ensuite l’extraction du
trait. Lorsque des parties sont
clouées ensemble, comme par
exemple le bras avec le thorax, ou
l’avant - bras avec d’autres
organes, ou les pieds l’un avec
l’autre, si le trait ou le javelot
n’a pas pénétré dans la totalité
des deux parties, nous l’extrayons
en le saisissant au dehors comme
s' il n’avait blessé qu’une
partie. Mais s’il a traversé la
totalité des deux organes, nous
scions le bois entre eux et nous
retirons chaque portion d’une
manière commode
(...).
|
Page révisée le 06/07/2105
Notice
biographique extraite de "
Glossaire de la matière médicale employée par les
chirurgiens médiévaux dans le traitement des
blessures
"<
http://perso.wanadoo.fr/raoul.perrot/
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