PALEOBIOS , 22 / 2021 / Lyon-France ISSN 0294-121 X
Etude anthropologique et paléopathologique d'un squelette mis au jour dans l'Eglise Saint-Martin (XI° siècle) à Cormeilles -en -Vexin (Val d'Oise)
Pierre -Jean Rigaud 1-2
1- Docteur
en médecine, ancien médecin
anesthésiste-réanimateur, ancien médecin-légiste. Diplômé d’anthropologie
(Caen).
Chercheur associé au Laboratoire d' Anhropologie
Anatomique et de Paléopathologie de Lyon (L2APLyon).
Anthropologue bénévole au Musée départemental
d’archéologie de Guiry-en-Vexin (Val
d’Oise).
2- Contact :
pierrejean.rigaud@gmail.com
Résumé
Lors de sondages
effectués dans le
sol d’une église du XI° siècle, à Cormeilles en Vexin (Val d’Oise), une
vingtaine de sépultures, relativement tardives, a été mise au jour.
L’une
d’entre elles recelait un squelette féminin, assez jeune, de taille
modeste, présentant
un raccourcissement des os longs de l’hémicorps gauche que l’on peut
retenir
comme séquelle osseuse d’une poliomyélite antérieure aigue, contractée
en période
pré-pubertaire. Une scoliose a été également notée.
Mots-Clés
Anthropologie.
Paléopathologie, squelette,
Eglise Saint-Martin (XI° siècle), Cormeilles-en-Vexin (Val d’Oise). Squelette
postmédiéval. Asymétrie des os longs. Poliomyélite. Scoliose.
Abstract
Anthropological and paleopathological study of a
skeleton uncovered
in the Church of
Saint-Martin (XI ° century) in Cormeilles en Vexin (Val d'Oise).
Keywords
Anthropological
study. Paleopathological study. France. Saint Martin Church (XI°
century),
Cormeilles-in-Vexin (Valley of Oise). Skeleton after Middle Ages.
Asymmetry of
the long bones. Heine-Medin disease. Scoliosis.
1.Introduction.
En
décembre 1994, une équipe d’archéologues dirigée par Jean-Louis
Bernard, de
l’INRAP [2, 3], effectuait une fouille de
sauvetage dans une partie de l’Eglise
Saint-Martin à Cormeilles-en-Vexin (Val d’Oise). qui,
en tant que bourg ou village est attesté depuis l’an 843. L’église actuelle (le village ayant été
incendié
en 940) existerait depuis au moins l’an 1071. Classée en 1911, en
mauvais état,
l’église a fait l’objet de deux campagnes de restauration, en 1927 et
1936-1937. Une nouvelle restauration du chœur fut programmée en 1994 et
une série
de six sondages, rendus nécessaires pour accompagner les travaux de
restauration, fut effectuée dans le chœur et la tour de croisée. Seuls,
les sondages
4, 5 et 6 ont permis la mise au jour d’une vingtaine de squelettes.
L’ensemble
des sondages n’a concerné qu’une très faible proportion (22 m2
sur
450 m2) de la surface de l’église. Aussi les archéologues,
commentant l’absence d’une étude anthropologique associée, notaient que
cette
dernière "ne prendrait tout son sens
que dans le cas d’une fouille exhaustive de l’église", éventualité,
encore improbable pour l’heure, qu’il n’a pas été jugée utile
d’attendre.
L’objet
de cette étude présentée aujourd'hui n’est pas de donner l’inventaire
ostéologique du contenu de toutes les tombes mises au jour, mais de se
focaliser sur un squelette qui nous a paru particulièrement
intéressant, en l’occurrence, celui de la
sépulture 6011.
2. Matériel.
Ce squelette (conservé au Musée départemental d’archéologie de Guiry-en-Vexin dans le Val d’Oise), référencé U.S. 6011 A.141, provient du sondage 6 de la campagne de fouilles. L’iconographie du rapport [2] de J.-L. Bernard, aux pages 65, 118 et 119, montre un squelette en connexion (fig 1), en décubitus dorsal, membres inférieurs et rachis bien alignés, membres supérieurs sagement croisés sur le tronc, pas en très bon état, puisque manquent le neurocrâne, le maxillaire, le radius droit et les deux cadres pubiens. Chaque os relevé a été noté (encre de Chine) par les archéologues. On relève encore une mandibule édentée située à faible distance de la ceinture scapulaire, deux petits fragments d’origine neuro-crânienne, un ulna droit surnuméraire et un dernier petit fragment. Ce squelette, la dernière sépulture installée, était primitivement contenu dans un cercueil cloué, proche d’une autre sépulture (6051) (fig. 2). Cette tombe, selon les archéologues [2, 3], n’a pu être datée avec certitude, mais, comme les autres, elle serait très tardive, postérieure à l’époque médiévale.
Figure 1- Sépulture 6011, Squelette in situ lors de la fouille. Ossements en connexion (cf. le détail de ces pièces osseuses (fig.3)
3.
Méthodes.
Elles
sont celles de
l’anthropométrie classique. Pour les mesures, indices, caractères
descriptifs
et caractères discrets éventuels des divers os observés, on a eu
recours à des
ouvrages connus : Brothwell [5],
Dastugue [7], Krogman [14], Janssens et
Perrot [13], Stewart [25], Thoma [28],
ainsi qu’à d’autres auteurs qui seront
cités au fur et à mesure.
Remarque
préalable : on a dérogé à l’usage traditionnel (obsolète de longue date) en anthropologie consistant à
privilégier les mesures sur les ossements gauches, ce qui aurait
conduit - ici
- d’emblée à une estimation biaisée de la taille ; en revanche, au
plan
paléopathologique, tous les os, droits ou gauches, quels qu’ils soient,
ont été
examinés. Les mesures sur des os incomplets ou trop abîmés ont été,
soit écartées
délibérément (mention non mesurable nm
ou barre oblique / dans les tableaux),
soit citées à titre indicatif seulement (rendues alors entre
parenthèses)
lorsque l’on était à la limite du mesurable. A défaut
d’investigations complémentaires, biochimiques ou microscopiques, il a
pu être
pratiqué quelques radiographies.
A
l’intention des lecteurs archéologues, il a paru intéressant de
développer les
techniques prises en compte dans l’estimation de trois éléments
fondamentaux de
l’identité d’un individu : à savoir le sexe, l’âge et la taille.
3.1.
Estimation du sexe.
Un grand nombre de méthodologies a
été avancé : pour mémoire et entre autres, celles utilisant le
crâne, le
rachis cervical et la ceinture scapulaire, les caractères descriptifs
du
bassin, la mesure des os longs, celles de Murail [20], d’Acsádi et Nemeskeri
[1],
de Janssens et Perrot [13], de Bruzeck [6], on y a adjoint les recommandations
de Dastugue [7] et d’autres critères
plus ponctuels, comme ceux de Déséchalliers
[9] pour l’humérus et ou de
Black [4] pour le fémur.
3.2. Estimation de
l’âge au moment du décès.
Sans aller jusqu’à dire
que l’estimation
exacte est utopique, on sait combien elle est malaisée et riche en
incertitudes
comme en erreurs. Vieillissement et nombre d’années vont bien sûr de
pair, mais
ne sont pas rigoureusement parallèles (la progéria en est un exemple un
peu
caricatural), en outre, à âge égal, le vieillissement n’évolue pas de manière linéaire, il
est différent d’un sujet à un autre, d’une population à une autre et
son
déroulement peut interférer avec la pathologie. Des méthodes
considérées incontournables
à un certain moment le sont moins actuellement comme, par exemple,
l’examen du
comblement des sutures crâniennes (que l’on sait bien pourtant se
souder en
fonction du vieillissement). Mieux vaut donner des estimations avec une
fourchette
assez large plutôt que chercher à tout prix une précision illusoire.
Dans le cadre de l'étude
présentée aujourd'hui on a retenu les trois techniques suivantes :
- examen de l’extrémité
sternale des
côtes selon Fully et Dehouve [12]
et examen des extrémités des 1ères côtes
selon Kunos [15],
- examen de la face
articulaire
sternale des deux claviculae selon Szilvássy [27],
- examen de la face
auriculaire du
coxal (surface sacro-pelvienne iliaque) selon les méthodes de Schmitt [25] et
de Debono [10],
héritières de celle de Lovejoy [16].
3.3. Estimation de la stature.
On devrait théoriquement être plus à l’aise car on a recours à des mesures effectuées directement sur l’os, cependant ces mesures sont ensuite introduites dans des tables, classiques mais qui n’ont pas toujours fait l’unanimité. Les tables de Manouvrier [18], celles d’Olivier [21], dont l’une [22] est dédiée aux squelettes féminins, ont l’avantage de se fonder sur la mesure des os longs. La technique de Fully [11], a priori plus exacte, n’a pas été utilisée, car elle nécessite des mesures multiples conjuguées (fémur, tibia, rachis lombaire, crâne, sacrum, tarse), os que l’on ne disposait ici pas en totalité. D’autres tables, issues de collections importantes (la collection Terry par exemple avec 1728 squelettes), s’appliquent moins aux populations européennes. On citera encore les tables de Pearson [23] et de Trotter et Gleser [29].Tableau 1 – Etat dentaire de la mandibule
48 |
47 |
46 |
45 |
44 |
43 |
42 |
41 |
31 |
32 |
33 |
34 |
35 |
36 |
37 |
38 |
CAM |
CAM |
CAM |
CPM |
CPM |
CPM |
CPM |
CPM |
CPM |
CPM |
CPM |
CPM |
CAM |
CAM |
CAM |
CPM |
Tableau 2 –
Mensurations (mm) de la mandibule
Longueur |
10 |
Largeur bigoniaque |
106,5 |
Largeur condyle gauche |
19,5 |
Indice mandibulaire |
95,77 |
Indice branche montante |
60,48 |
Poids (mais dents
absentes) |
(53 g) |
Figure 4. Vue caudale de la mandibule.
Vertèbres, côtes,
sternum, sont au
complet, mais en mauvais état. Le sacrum, en principe "axial", fait
tellement partie intégrante du bassin qu’il ne sera abordé qu’avec la
ceinture
pelvienne. Les mesures classiques prônées sur les diverses vertèbres
n’ont pu être
effectuées. L’état du rachis a rendu impossible son montage complet
selon Metz
[19], sauf pour les séquences T1-T4 et
T5-T10. Certaines vertèbres, poly-fragmentées,
n’ont pas pu être reconstituées. Seules les premières côtes ont été
identifiées
avec certitude, les côtes (cela n’a pu être confirmé par la mesure)
droites
paraissant plus robustes et d’arcature plus forte que les gauches.
3.4.3. Ceinture
scapulaire.
Scapulae, claviculae et sternum, sont présents, parfois altérés, comme le corps sternal et la scapula gauche (glène absente, apophyse coracoïde rompue et retrouvée parmi les vertèbres). Xyphoïde absente. Scapulae translucides, à droite échancrure coracoïdienne de type 4, glène piriforme et excavée. La disparité entre les côtés gauche et droit, évidente (fig. 5), est confirmée par les mensurations du tableau suivant :
|
Droite |
Gauche |
Hauteur |
139,5 |
126,9 |
Largeur |
87,3 |
/ |
Longueur de l’épine |
111,5 |
102 |
Hauteur glène |
36,05 |
/ |
Largeur glène |
25,5 |
/ |
Poids |
45 g |
/ |
Figure 5. Scapulae et claviculae : asymétrie droite-gauche. Torsion de la clavicula gauche.
|
|
|
Droite |
Gauche |
Longueur |
140,0 |
120,5 |
Circonférence au milieu |
35 |
Nm |
Indice de robustesse |
25 |
/ |
Poids |
16
g |
(11 g) |
3.4.4. Membres
supérieurs.
Seul
le radius droit manque. Les humérus et ulnae (fig. 6) présentent une
asymétrie droite-gauche évidente, confirmée par les mesures (tabl. 5 suivant) :
|
Droite |
Gauche |
Humérus |
|
|
Longueur |
304,5 |
285 |
Diamètre céphalique |
44,5 |
(39) |
Largeur de l’épiphyse
distale |
53 |
49 |
Indice deltoïdien |
110,4 |
104,0 |
Indice de robustesse |
19,08 |
17,60 |
Poids |
90 g |
Nm |
Ulna |
|
|
Longueur totale |
229,5 |
(212) |
Longueur physiologique |
206,5 |
(186) |
Poids |
34 g |
(30 g) |
Figure 6. Humérus et ulnae : asymétrie droite gauche. Le radius droit manque, un ulna droit est surnuméraire. Insertions musculaires plus modestes à gauche.
Les humérus sont
graciles, la tête
gauche est altérée sans interdire totalement la mesure du diamètre. Le
radius
gauche, gracile, avec une tête altérée, n’a pu être mesuré. Les ulnae
sont
graciles. Les reliefs des insertions musculaires, bien que modestes,
paraissent
plus nettes à droite (le V deltoïdien est à peine visible à gauche).
Les radiographies
relèvent une trabéculation respectée et une corticale d’épaisseur
satisfaisante
de chaque côté.
Présence d’un second
ulna droit qui
peut être qualifié d’ectopique du fait de sa taille (de 37,5 mm plus
long que
l’autre ulna droit). On devine cet os, parallèle au côté gauche du
corps (fig.
1) et à quelque distance ; il ne sera pas pris en compte pour
ce squelette
6011.
3.4.5. Mains.
Le carpe, droit et
surtout gauche, est
très incomplet et ne sera pas pris en considération.
3.4.6. Ceinture
pelvienne.
Coxaux
et sacrum sont présents, mais assez abîmés, les pubis et ischions ont
disparu (fig. 7),
l’auricule est bien conservée à droite (fig. 8), moins
bien à gauche : de ce fait seules les mensurations droites ont été effectuées (tabl.6, suivant) :
Tableau
6 – Mesures
(mm) du coxal droit
Grande échancrure
sciatique |
Supérieure à 65 |
Largeur cotylo-sciatique |
33,5 |
Indice cotylo-sciatique |
59 |
Indice de la grande
échancrure |
50 |
Figure 7. Faces ventrales des deux coxaux. Cadres pubiens et auricule gauche altérés.
Figure 8. Auricule droite grossie
Le sacrum est très abîmé (face ventrale et hémiface dorsale gauche), il est nettement asymétrique à première vue au niveau des ailerons (qui sont les équivalents de 1ères côtes sacrées) dans le sens sagittal (peu ou pas dans le sens transversal) et présente une échancrure absente à droite ; en l’absence de repères, des mesures sont malaisées, mais la moitié gauche de la surface caudale de S1 semble plus courte (de l’ordre de 7 mm) que la droite, de même la lame gauche de S1 paraît plus courte (fig. 9), en outre l’absence des pubis permet difficilement d’accéder à la forme du détroit supérieur. De face (fig. 10) on note une très faible cunéisation du corps de S1, les corps de S1 et S2 ne sont pas entièrement soudés (lombalisation partielle possible).
Figure 9. Face caudale du sacrum, Asymétrie du corps de S1 comme des ailerons sacrés.
Figure 10. Face ventrale du sacrum : asymétrie de contour des ailerons, très légère cunéisation du corps de S1
3.4.7. Membres
inférieurs
Fémur, tibia,
patella,
fibula sont présents et ont pu être mesurés pour les deux côtés (tabl. 7 ci-dessous) :
|
Droite |
Gauche |
Fémur |
|
|
Longueur en position |
413 |
404,5 |
Diamètre céphalique |
39,5 |
NmLongueur en projection |
Largeur épiphyse distale |
72,5 |
Nm |
Angle de déclinaison |
15 |
21 |
Angle d’inclinaison |
130 |
148 |
Angle de divergence |
16 |
19 |
110 |
111 |
|
Indice de robusticité |
12,7 |
11,6 |
Circonférence au milieu |
81 |
72 |
Poids |
(280 g) |
(235 g) |
Patella2 |
|
|
Hauteur |
35,6 |
32,4Longueur en projection |
Largeur |
39,1 |
36,8 |
Tibia |
|
|
Longueur totale |
329 |
316Longueur en projection |
Poids |
149 g |
Nm |
Fibula3 |
|
|
Longueur totale |
333 |
309 |
Longueur en projection |
330 |
Nm |
Les deux fémurs sont
graciles, la tête et le grand trochanter droits érodés, les
deux épiphyses gauches également altérées, la ligne âpre est modeste.
Les
tibias sont intacts et graciles, Les fibulae sont entières (avec une
arcature plus marquée à droite), la longueur totale n’a pu être établie
que
pour l’os droit. Les patellae sont présentes, la gauche un peu érodée.
Sur les
fémurs et tibias, les insertions musculaires, même modestes, paraissent
plus nettes
à droite (fig.
11).
Les radiographies montrent les mêmes aspects que ceux des
membres supérieurs.
Figure 11. Faces dorsales des fémurs, tibias et fibulae : Asymétrie (longueur et finesse) droite-gauche, arcature de la fibula droite légèrement plus forte, insertions musculaires plus modestes à gauche
3.4.8. Pieds.
Pour les deux
pieds, si les os
talus, calcaneus, naviculaire, cunéiformes et les cinq métatarsiens
sont au
complet, les phalanges sont incomplètes et il n’a pas été jugé utile de
s’y
arrêter.
Tableau 8 –
Mensurations (mm) et valeurs angulaires (°) du pied
|
Gauche |
Droite |
Talus |
|
|
Hauteur |
29 |
31,5 |
Longueur |
49,5 |
48,5 |
Longueur
trochlée |
32,5 |
32,5 |
Angle
de déclinaison |
20 |
10 |
Angle
de torsion |
40 |
30 |
Calcanéus |
|
|
Longueur |
67 |
67 |
Hauteur |
35 |
36,5 |
Angle
de Boelher |
36 |
40 |
Métatarse |
|
|
Longueur
premier métatarsien |
56 |
57 |
4. Discussion.
Elle va porter sur les
diagnoses du
sexe, de l’âge au décès et sur l’estimation de la stature, elles
requièrent toutes
la plus grande prudence.
Une première approche a
utilisé la mesure des os longs (tabl. 9) :
technique
d’orientation classique, elle est à utiliser avec prudence (car il y a
de petits
hommes et de grandes femmes), sans la rejeter. On n’a retenu finalement
que
deux méthodes, celle de Janssens et Perrot (tabl. 10) dont tous
les critères n’ont pu être explorés à cause de l’absence
ou de l’altération de tel ou tel os et celle
de Bruzeck (tabl.11) où, à droite, sur les cinq critères
proposés, seuls
quatre ont pu être explorés (destruction du cadre ischio-pubien des
deux côtés).
Les mesures pondérales, à ne pas rejeter d’emblée, sont également à
prendre
avec prudence car la charge minérale ou tellurique possible post-mortem
peut varier
d’un os à l’autre, d’autre part il ne sert à rien de peser un os
incomplet ou trop
érodé.
Tableau 9 -Données
numériques
pour les os longs (côté droit)
Humérus |
|
|
Longueur |
304,5 mm |
Marge intersexuelle
280-330 mm |
Indice deltoïdien |
38,7 |
♀ si < 104 |
Poids |
90 g |
Zone
intersexuelle 73-110 |
Diagnose (Déséchalliers)
|
44,5 mm |
Limite intersexuelle
47,3 mm |
Ulna |
|
|
Longueur maximum |
229,5 mm |
♀si < 230 |
Longueur physiologique |
211 mm |
♀si < 205 |
Poids |
34 g |
♀ si < 31,5 |
Fémur |
|
|
Longueur en position |
413 mm |
♀ si < 390 |
Diamètre céphalique |
39,5 mm |
♀ si < 43,5 |
Largeur épiphyse distale |
72,5 mm |
♀ si < 74 |
Circonférence au milieu
(Black) |
81 mm |
Limite intersexuelle 81 |
Indice de robusticité |
12,7 |
♀ si < 11 |
Poids |
(280 g) |
♀ si < 209 |
Tibia |
|
|
Longueur |
329 mm |
♀ si < 320 |
Poids |
149 g |
♀si < 156 |
|
|
|
Aucun
de ces caractères n’atteint de valeurs nettement masculines, le
squelette
féminin est très probable.
Tableau 10 - Méthode de
Janssens
et Perrot (os droits)[13]
Scapula |
Hauteur (3) |
2 x -1 = -2 |
< 144 mm |
|
Largeur (3) |
2 x -1 = -2 |
< 93,6 mm |
|
Largeur cavité glénoïde
(3) |
2 x -1 = -2 |
< 26 mm |
|
Longueur de l’épine (3) |
1 x -1 = -1 |
< 128 mm |
|
Poids (3) |
1 x 0 = 0 |
< 38,5 g |
Humérus |
Longueur (5) |
2 x 0 = 0 |
< 280 mm |
|
Indice deltoïdien (5) |
2 x -1 = -2 |
< 104 |
|
Indice de robustesse (5) |
2 x -1 = -2 |
< 19 |
|
Poids (5) |
1 x -1 = -1 |
< 73 g |
Ulna |
Longueur maximum (5) |
2 x -1 = -2 |
< 230 mm |
|
Longueur physiologique
(5) |
1 x 0 = 0 |
< 205 mm |
|
Poids (5) |
1 x 0 = 0 |
< 31,5 g |
Os coxal |
AiIe iliaque |
1 x -1 = -1 |
Transparente |
|
Gde éch.
sciatique |
2 x -1 = -2 |
très ouverte |
|
Ouverture gde éch.
sciat. |
2 x -1 = -2 |
˃ 50 mm |
|
Largeur cotylo-sciatique
(6) |
2 x -1 = -2 |
< 35 mm |
|
Indice cotylo-sciatique
(6) |
2 x -1 = -2 |
< 121 |
Fémur |
Longueur en position (7) |
2 x 0 = 0 |
< 390 mm |
|
Diamètre céphalique (7) |
2 x -1 = -2 |
< 43,5 mm |
|
Largeur épiphyse distale
(7) |
2 x -1 = -2 |
< 74 mm |
|
Ligne âpre |
1 x -1 = -1 |
peu marquée |
|
Indice pilastrique (7) |
2 x -1 = -2 |
< 105 |
|
Indice de robusticité (7) |
2 x 0 = 0 |
< 11 |
|
Poids (7) |
1 x 0 = 0 |
< 209 |
Tibia |
Longueur maximum (7) |
2 x 0 = 0 |
< 320 |
|
Poids (7) |
1 x -1 = -1 |
< 156 |
L’addition des valeurs
sexuelles du
tableau atteint le total de -35, on serait donc devant un individu féminin.
Tableau 11 - Méthode de
Bruzeck –
Coxal droit [6]
Caractères |
|
Région pré-auriculaire |
Sillon pré-auriculaire
présent et net* |
Grande échancrure
sciatique |
Large, profonde |
Arc composé |
Présence d’une courbe
double |
Partie inférieure du
coxal |
Gracile, inclinée,
dépourvue de crête phallique |
Ces 4 caractères, sur
les 5
proposés par Bruzeck [6], orientent
vers le sexe féminin.
*Ce
sillon pré-auriculaire ("groove of pregnancy") qui
selon
Bruzeck, représente "la trace d’un traumatisme
obstétrical de fréquence variable", impliquerait ipso
facto l’appartenance de ce sujet au sexe féminin. Le coxal
gauche présente lui aussi un sillon (mais interrompu par l’altération
de l’os),
une grande échancrure large et profonde et un arc composé double.
Ces
trois méthodes associées , font raisonnablement penser être en
présence d'un squelette féminin : celui d'un adolescent
aurait pu être évoqué, mais aucun des os ne montre de traces de
cartilages de
croissance.
Un élément de ce
squelette pose une
interrogation et doit être discuté dans l’estimation du sexe, il s’agit
de la
mandibule qui a été trouvée dans la tombe. Le cas du bassin excepté, on
ne peut
trancher d’emblée pour le sexe d’un sujet à partir d’un os isolé et, si
les
caractères ou les mesures peuvent orienter, c’est sans certitude
absolue. Cette
mandibule présente un ensemble de caractères descriptifs et métriques
qui sont
plus volontiers masculins, cela ne veut pas dire pour autant qu’elle ne
puisse
pas être féminine, mais cela détonne avec l’ensemble des autres os du
squelette,
à la lumière des trois méthodes qui ont été précédemment présentées.
Cette
incertitude peut trouver une solution en attribuant un statut ectopique
à cette
mandibule.
4.2. Estimation de
l’âge au décès.
L’examen de l’extrémité sternale[12] des rares côtes
utilisables (six sur vingt-quatre) a montré
une extrémité en fossette, lisse, avec des rebords nets et réguliers,
donc un
âge inférieur ou égal à 30 ans. Devant l’incertitude d’identifier avec
certitude une 4ème côte (dont l’étude est classique) on
s’est tourné
vers les travaux de Kunos [15]
puisqu’on avait les deux 1ères côtes :
on a pu en retenir un âge probable entre 20 et 30 ans.
L’examen de la face
articulaire
sternale de la clavicula selon Szilvássy [27], fait retenir, sur les trois
phases morphologiques [a) 18-20 ans, b)
21-25 ans, c) 26-30 ans], la phase b pour la clavicula droite et un
aspect
entre b et c pour la clavicula gauche.
L’examen de la face
auriculaire du
coxal (surface sacro-pelvienne iliaque) a été réalisé selon les
méthodes de Schmitt [25],
avec la prise en compte de 7 critères sur 8 (4 à droite et 3 à gauche) :
Tableau 12 – Surface sacro-pelvienne iliaque.
|
Droite |
Gauche |
Organisation
transverse |
1 |
1 |
Modification
de la surface articulaire |
1 |
1 |
Modification
apicale |
1 |
2 |
Modification
de la tubérosité iliaque |
1 |
/ |
Cette femme serait donc
décédée à
un âge probable situé entre 20 ans et 40
ans, fourchette que l’on serait tenté de réduire à 20-30
ans. Les ostéophytes observés sur les 9è-10è
vertèbres thoraciques (fig.
13) ne sont pas en contradiction avec ce jeune âge
relatif.
On revient ici sur la
mandibule
(cf. fin du § 4.1),
dont l’état dentaire fait plus volontiers penser à un
sujet "âgé", peu en accord avec le jeune âge relatif du squelette
étudié, sans pour autant penser qu’un sujet "jeune" ne pourrait pas
présenter une mandibule abîmée. Cet aspect dentaire pourrait être un
argument
supplémentaire pour attribuer un statut ectopique à cet os.
L’absence
de dents libres peut
susciter un autre commentaire en faveur de ce caractère ectopique, mais
c’est
loin d’être absolu. Tombées sur place, ces dents n’auraient pas manqué
– n’y en
eut-il qu’une seule sur les dix manquantes – d’être recueillies par les
archéologues, on peut en inférer qu’elles ont pu, éventuellement tomber
ailleurs et que, de ce fait, la mandibule proviendrait
d'une autre partie du cimetière.
4.3. Estimation de la
stature.
Les diverses tables et
abaques, pour
un squelette féminin et les mesures
des fémur et tibia droits, font
retenir :
selon
Olivier [22], une taille
de 156,6 cm (taille de 153 cm à 157 cm avec les
mesures gauches),
selon Trotter et Gleser [29]
(femmes
leucodermes) on aurait entre 156 cm et 157 cm (de 154 cm à 153 cm avec
les mesures
gauches),
selon Manouvrier [18], 154,3 cm à
155,6 cm (de 149 cm à 153 cm avec les mesures
gauches),
enfin selon Pearson [23] on aurait
entre 152 cm et 153 cm (de 149 cm à
151,5 cm à partir des mesures sur les os gauches).
Les estimations
de la stature à partir des mesures des os gauches (par souci de
rigueur)
débouchent sur des valeurs de stature plus dispersées.
On s’en tiendra finalement à une taille, estimée, de 156
cm ± 2 cm.
5. L’asymétrie
segmentaire.
5.1 L’asymétrie en
elle-même.
Ceci est trop important
pour être
dit "acceptable ou paranormal". Ainsi, cela donnerait, pour un sujet
"debout"
(résumé à la longueur fémur + tibia), une différence de l’ordre de 21,5
mm, ce
qui entraînerait ici une très légère bascule (elle existerait, selon
Dastugue [8],
dès 10 mm) du bassin vers la gauche. Le montage du rachis selon Metz [19], qui
n’a pu être réalisé que pour quelques séquences vertébrales, celui de
T5-T10 (fig. 13), permet
d’observer une scoliose à convexité droite. Le membre
supérieur gauche (résumé à la longueur humérus + ulna), serait
également plus
court de 37 mm.
5.2.
Artéfacts possibles.
Le squelette postcrânien
est quasi-complet,
mais avec des os homologues, droits et gauches, de tailles (longueur et
minceur) différentes. On pourrait expliquer cela par une tombe
inhomogène, contaminée
par des os venant d’autres sépultures : ce n’est pas absurde
puisqu’on a déjà
des os ectopiques, ulna droit et clavicula infantile (et - peut-être -
la mandibule
- (§ 4.1
et 4.2), et que le crâne et le
radius droit ont disparu ou ont été détruits. Les contaminations sont
fréquentes
en nécropoles, même lors d’inhumations en cercueil. Un tel mélange par
des apports
extérieurs est plutôt infirmé par l’aspect en connexion du squelette (fig 1 et
2) : sinon, les os seraient
en vrac, de plus il faudrait imaginer
l’hypothèse tortueuse d’un "échange" des os droits et gauches, en
nombre exact, un pour un.
En outre, dans une
église, il n’y a
jamais de tombes délibérément multiples, elles sont toujours
individuelles (le
fœtus in utéro étant la seule exception),
sauf en cas de réduction de sépulture/s dont on repousse les os pour
faire de
la place au moment d’une autre inhumation (les deux sépultures sont
alors successives,
non simultanées). Dans ce cas, le squelette que la fouille rencontrera
sera
accompagné d’un remblai osseux (on en a un exemple avec le sondage 5 de
ce site
où a été mis au jour le remblai 5016 composé, dans le désordre le plus
total, des
divers ossements d’au moins six corps).
Autres remarques :
la tombe
6030, en partie détruite en partie par l’installation de la tombe 6011,
possède
ses deux ulnae et, en cas de sépulture contaminée et bouleversée, les
archéologues n’auraient pu en relever les différents os dans le respect
de l’ordre
anatomique comme ils l’ont fait.
On ne retiendra donc
qu’un seul
corps, la contamination (qu’il faudrait imaginer importante) étant
improbable. Cette
différence droite-gauche se présente sous un aspect quasi-harmonieux
comme si,
de manière simpliste, on avait la juxtaposition, côte à côte, chacun à
sa place,
d’un hémicorps droit et d’un hémicorps gauche (car les os des ceintures
participent aussi à cette asymétrie), et cela sans incohérence
métrique, en ce
sens que si les os longs gauches sont plus courts, ils sont aussi plus
fins.
5.3. Paléopathologie.
Les artefacts mis de côté, il ne reste plus que la pathologie (même si tout ce qui est anomalie n’est pas forcément pathologie).
Une hypothèse serait que
des os soient
été le siège de raccourcissements, ou post-traumatiques, liés par
exemple à un
foyer de fracture mal réduit (en baïonnette), ou destructifs (une
ostéomyélite
par exemple). Si on n’a déjà pas observé de déformations osseuses qui
pourraient soutenir cette hypothèse, comment imaginer que tous les os
longs
gauches, et seulement eux, aient pu être ainsi affectés ?
Une autre hypothèse, à
ne pas
écarter, serait de considérer le côté gauche comme normal et le côté
droit
siège d’un accroissement. C’est peu défendable, car il aurait fallu
qu’une
telle hypertrophie, en général plutôt d’ordre métabolique, se cantonnât
strictement
à droite. Il existe pourtant une forme de gigantisme, très rare, le
syndrome de
Klieppel-Trelaunay (qui associe l’allongement d’un seul membre à des
malformations vasculaires anévrysmales associées qui laissent des
traces sur
les corticales osseuses), dont la prise en charge - possible de nos
jours – eut
été utopique du vivant de la personne ici étudiée. Il existe aussi des
hémi-hypertrophies,
très rares elles aussi, congénitales, associées à des tumeurs rénales
(comme
les tumeurs de Wilms) et des troubles multiples, avec également un très
mauvais
pronostic vital, a fortiori en l’absence
de soins adaptés.
On envisagera finalement un raccourcissement des os longs des membres supérieur et inférieur gauches, lié, forcément en phase pré-pubertaire, à une amyotrophie, elle-même due à une atteinte du motoneurone de la corne antérieure de la moelle épinière. Cette atteinte fédèrerait au moins trois pathologies principales : la sclérose latérale amyotrophique (ou maladie de Charcot), la poliomyélite antérieure aiguë et les amyotrophies spinales (terme générique qui regroupe diverses atteintes, très rares, de ce motoneurone comme la poliomyélite chronique, la maladie de Kugelberg-Welander et la maladie de Werdnig-Hoffmann). Il est bon de noter qu'il s’agirait, selon certains, de diverses formes de la même maladie, héréditaire et présentant des manifestations plutôt bilatérales. Dastugue [8] ajoute l’hémiplégie cérébrale infantile (d’origine obstétricale) à ces étiologies. On peut ici écarter la maladie de Charcot (qui se déclare à l’âge adulte), on retiendra difficilement l’hémiplégie cérébrale ou les amyotrophies spinales, les formes infantiles (elles touchent le très jeune enfant avec un pronostic vital extrêmement réservé, même à notre époque) comme évidemment les formes de l’adulte.
Il reste l’hypothèse, probabiliste, d’une poliomyélite antérieure aiguë, maladie de loin la plus répandue. Cette affection, virale, extrêmement contagieuse, autrefois appelée paralysie infantile, se déclarait en général avant l’âge de cinq ans, souvent sous forme épidémique et en période estivale. Elle se présentait ordinairement (95%) sous forme d’un état grippal transitoire (fièvre élevée, douleurs méningées, courbatures, malaises), en revanche les formes graves (1/200) consistaient en paralysies respiratoires (mortelles en l'absence de toute ventilation artificielle. Cette pathologie respiratoire, justiciable à l'époque du "poumon d'acier"-finalisé en 1927-vit sa prise en charge totalement transformée par l'arrivée des premiers respirateurs modernes, développés à Copenhague à la suite de l 'épidémie meurtrière - la pire de toute l'Histoire- de 1952 au Danemark) ou segmentaires (unilatérales, définitives, avec amyotrophies et arrêt du développement osseux, atteignant les segments proximaux, respectant les mains, compatibles avec une survie ultérieure, "normale" ou assistée). Cette affection, quasi-éradiquée actuellement depuis la vaccination, mais qui a sévi pendant des millénaires (R.Perrot [24] par exemple cite le cas d'un pied-bot polyomyélitique (Vème après J.C.) provenant de l' Abbaye Saint-Victor de Marseille qui rappelle étrangement la stèle égyptienne (fig. 12) bien connue du prêtre Ruma ( XIXè dynastie, 1296-1186 avant J-C ), est ici tout à fait plausible, apportant une explication simple au raccourcissement des os. Une chose est certaine, cette femme, tombée donc malade dans l’enfance, est parvenue à l’âge adulte et a dû donc être assistée. A ce sujet, si on se réfère à l’inhumation en église, réservée en général aux personnes à situation particulière (religieux, nobles, donateurs, etc.), on peut imaginer que ce statut, dont aurait pu avoir bénéficier la malade, a facilité les soins dont elle a été l’objet.
Figure 12. Stèle égyptienne du prêtre Ruma (XIX° dynastie)
La radiographie a retenu
une poliomyélite
ancienne, et l’asymétrie des ceintures (claviculae, scapulae, sacrum)
vient
conforter celle des os longs.
Si on a un accès direct
à
l’asymétrie osseuse, il n’en est pas de même, pour l’heure, du degré
exact de
l’amyotrophie et de ses conséquences (respiration, locomotion, gestes
quotidiens), cependant si l’épaisseur des corticales est similaire des
deux
côtés, cela supposerait que la poliomyélite était ancienne et que cette
femme a
conservé une activité physique relative avec un handicap plutôt modeste. Au plan purement spéculatif, en cas de
grossesse, l’asymétrie
pelvienne de cette jeune femme pouvait comporter un risque de dystocie (cf. 4.1). Une scoliose se
dessine sur un
montage (fig. 13) des
vertèbres thoraciques T5-T10 (associée à un aspect cunéiforme
très modeste du corps de la première vertèbre sacrée). Le Dr Billard
[communication
personnelle] rappelle que l’asymétrie des côtes droites et gauches (cf.
§ 4.3)
pourrait fort bien s’inscrire dans l’association de séquelles d’une
poliomyélite avec une scoliose.
Figure 13. Montage des
vertèbres thoraciques T 5 à T 10. Scoliose à concavité
gauche. Présence d’ostéophytes sur T 9 et T 10 (côté antéro-latéral
droit des
corps vertébraux).
Les
crêtes d’insertion musculaire
(cela n’a rien d’absolu en raison de la latéralité ou de la probable
vicariance par le côté sain) paraissent plus marquées à
droite qu’à gauche (fig. 6
et 11) : scapula
(insertion du sous-épineux), humérus ("V"
deltoïdien), ulna (tubérosité du muscle brachial), fémur (ligne âpre),
tibia
(tubérosité antérieure, ligne du soléaire). La myostéonomie (proposée
par
Mallet [17] pour l’étude de la
physionomie par les muscles du visage), en
évaluant les insertions musculaires sur ces os longs, pourrait être
l’hypothèse
d’un travail ultérieur.
Une autre piste de
travail
ultérieur pourrait être la mesure directe de l’épaisseur de la
corticale
osseuse, après trépanation de l’os, au moyen d’une jauge calibrée
inspirée de
celles utilisées en chirurgie orthopédique (sous réserve de
l’uniformité
interne de la paroi de la cavité médullaire). Un orifice minuscule peut
être
suffisant et, aisé à refermer, ne constitue pas un traitement délabrant
pour
l’os.
5.4.
Autres
commentaires
Les remarques qui suivent, de bien moindre importance que l’asymétrie osseuse droite-gauche, sont liées à des questions connexes :
- un ulna droit
surnuméraire
(collecté avec les os du côté gauche), manifestement ectopique par sa
longueur
très supérieure (de 37,5 mm) à celle de l’ulna du côté droit,
- deux fragments de
voûte du crâne
qui, bien qu’identifiés, sont trop modestes pour donner lieu à
discussion,
- la fibule droite3 dont l’arcature
est légèrement plus marquée (fig 11) dans le
plan sagittal,
- un fragment de très
petite
taille, évocateur d’une extrémité latérale de clavicula, qui sera
ensuite
identifié comme une clavicula droite infantile, donc ectopique
également.
- on ne reviendra pas
sur la
mandibule et son possible statut ectopique déjà discuté (§ 4.1 et 4.2),
Ces détails, bien
qu' anecdotiques,
n’avaient pas de raison d’être passés sous silence.
6. Conclusion
Le squelette présenté
ici,
référencé 6011, mis au jour dans l’Eglise Saint-Martin à Cormeilles en
Vexin
(Val d’Oise) peut être retenu sans grande hésitation comme appartenant
à une
femme, relativement jeune (20 à 30 ans) et de stature modeste
avoisinant 156
cm. La sépulture serait tardive, d’après les archéologues, postérieure
au Moyen
Âge. Les os longs montrent une différence de longueur, significative,
entre les
côtés droit et gauche du squelette, qui ne peut être fortuite. Cette
différence
est attribuée ici aux séquelles d’une poliomyélite antérieure aiguë,
contractée
forcément en période pré-pubertaire, hypothèse de loin la plus probable
parmi
d’autres étiologies – bien plus rares et/ou plus tortueuses - qui ont
été
évoquées et écartées. Outre ces séquelles métriques, on a pu observer
des
signes de scoliose. La radiographie se joint aux observations et aux
mesures
pour évoquer une atrophie osseuse gauche post-poliomyélitique (os longs
des
membres et os des ceintures). Des explorations biologiques, voire
microscopiques,
auraient gagné à compléter ce travail.
7. Notes
1. Cette
mandibule (cf. § 3.4.1, 4.1 et 4.2) pose problème, par sa situation
relativement
éloignée du tronc dans la tombe, par ses caractères descriptifs,
métriques et
son histoire dentaire.
2.Mesures prises
parallèlement et perpendiculairement aux stries (physiologiques)
de la face antérieure
3 Ces
deux valeurs
sont indiquées pour tenter de rendre compte de l’arcature
relative de la
fibula
droite.
8. Remerciements
Nos
remerciements vont : à Monsieur le Professeur
J. Dastugue dont nous saluons la mémoire avec gratitude, à Messieurs
les Docteurs M. Billard
et R. Perrot ,
qui ont bien voulu relire le manuscrit à la lumière de leur expérience,
nous
ajouterons une mention spéciale pour le second qui, en tant que
directeur et rédacteur en chef de la revue Paleobios, a pris le temps
de revoir notre iconographie et de créer les
très nombreux hyperliens qui parsèment l`article, à
Monsieur J.-L. Bernard (INRAP) qui nous a autorisé l’accès et
l’usage de ses documents de fouilles, à Monsieur le Docteur G.
Bensoussan pour l’interprétation
des clichés radiographiques, à Madame C. Blondeau et toute son équipe,
du
Musée archéologique départemental de Guiry-en-Vexin, pour leur
hospitalité et leur
constante disponibilité, et pour terminer à Monsieur François-Xavier
Rigaud pour sa précieuse assistance informatique.
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Etude anthropologique et paléopathologique d'un squelette mis au jour dans l'Eglise Saint-Martin (XI° siècle) à Cormeilles en Vexin (Val d'Oise)
(Pierre-Jean Rigaud ), PALEOBIOS, 22 / 2021 / Lyon-France ISSN 0294-121 X / ISSN 2259-986