Les représentations humaines, sexuelles et sexuées, au Paléolithique supérieur, en Europe [Mémoire du CSBM Anthropologie (2005/163), présenté par Laure PIERREL] [ retour au menu général de navigation] Conclusion
L'art paléolithique témoigne de l'imagination complexe d'Homo sapiens et atteste de l'humanité de nos ancêtres. Il est très vraisemblable, bien que fréquemment discuté, que ceux-ci avaient, comme nous, un langage articulé ; quoi qu'il en soit, les représentations pariétales et mobilières qu'ils nous ont laissées sont une forme de langage à part entière ( les signes, les compositions artistiques elles-mêmes ), tout comme les artistes contemporains s'expriment à travers leurs œuvres. En effet, aujourd'hui, nous ne nous différencions guère des hommes du Paléolithique Supérieur, hormis notre mode de vie qui a évolué avec les avancées technologiques... De plus en plus, nous sommes convaincus que les Préhistoriques étaient capables de penser leurs actes, leur art. Peut-être même avaient-ils conscience de leurs capacités reproductrices et distinguaient-ils sexe ( reproduction ) et sexualité ; une chose est certaine, ils percevaient le dimorphisme sexuel homme-femme. Etant donné le nombre, la qualité d'exécution et la situation des représentations ayant trait à l'homme et au sexe, par rapport aux graphies animalières ( les figures humaines sont peu nombreuses, justes esquissées, minimalisées, placées au fond des cavernes ), on peut difficilement dire que les tabous sexuels n'existaient pas au Paléolithique Supérieur. Néanmoins, la levée progressive de ces tabous nous autorise à interpréter plus librement les représentations préhistoriques. Le désir et le besoin pour l'être humain de connaître ses origines, ce qui a sur lui un effet rassurant, l'a même réconcilié avec l'animal : nous n'avons plus honte de nos origines, de notre place incontestable dans le règne animal, à tel point qu'on se trouve des points communs avec les Grands Singes, qu'on s'en étonne ( au sens mélioratif du terme ), s'en amuse et qu'on les revendique. Savoir « d'où il vient », comprendre ce qui l'entoure, est une quête pour l'homme depuis qu'il a conscience de lui-même, et donc depuis l'époque préhistorique ; ses origines constituent sans doute une préoccupation plus large pour l'homme que son propre avenir ( la naissance du système solaire est plus palpitante que la résolution des soucis écologiques, par exemple ) ! Ceci explique le développement des sciences afin d'apporter des réponses, ou au moins des hypothèses de réponses, à ces multiples questions, à partir d'indices et de preuves ; et c'est aussi pourquoi l'homme a développé des croyances - subjectives -, a créé des religions et des mythes dans le dessein de donner une interprétation à l'inexplicable. On suppose également ( sur les bases artistiques principalement ) que des mythes existaient dès le Paléolithique Supérieur : le mythe de la Déesse Mère notamment, assurant fécondité et fertilité, protection du foyer, etc..., et qu'ils faisaient l'objet de graphies artistiques ( les « Vénus », les « Sorciers » ). Toutefois, la représentation de pensées à portée mythique n'exclut pas celle de la réalité perçue par les Préhistoriques ( les préoccupations sexuelles, les scènes de chasse, le corps féminin dans ses différentes fonctions, l'obésité, ... ). La difficulté pour les interprètes que nous sommes réside dans la distinction entre ce qui est figuration de la réalité et ce qui est représentation mythique, ainsi que dans la signification de ces oeuvres. Et à l'issue de notre étude, nous ne pouvons, ni n'avons le droit, de donner une unique interprétation pour chacune d'entre elles ; nous ne pouvons que confronter des hypothèses de travail et sélectionner les plus probables et les plus convaincantes. En outre, nous avons vu que, tout comme la notion d'art est subjective et personnelle, ces études sont directement dépendantes du contexte et de la morale de l'époque des interprètes. Pour preuve, la place des femmes dans la société préhistorique n'a été reconnue que lorsque le courant féministe a émergé en Occident dans la seconde moitié du siècle dernier ! Par ailleurs, on ne reconnaît la présence de sexe dans l'art préhistorique que depuis la chute de nombreux tabous dans notre société, parallèlement au déclin de la religion chrétienne ! Cela nous permet d'imaginer le renouvellement éventuel des théories dans les décennies à venir... Malgré les progrès scientifiques qui ont permis d'éclaircir le champ des découvertes archéologiques, l'art paléolithique reste sur de nombreux points mystérieux et non éludé à ce jour ( non éludable ?! ) ; des polémiques subsistent : certaines peintures ou gravures représentent-elles vraiment des scènes d'accouplement ? Mais c'est, en quelque sorte, grâce à toutes ces zones d'ombre que l'on persiste à s'interroger et à s'intéresser à cette époque, que l'on entretient nos connaissances, en plus des découvertes régulières de nouveaux sites préhistoriques.
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