L'étude des textes médicaux anciens montre à l'évidence que le traitement des blessures, en dehors de l' abord chirurgical souvent indispensable, fait également intervenir la matière médicale .
Au sens large du terme, la Matière médicale [ actuellement ce terme tend à être remplacé par Pharmacognosie (du grec pharmacon, médicament et gnôsis, connaissance) créé en 1815 par Seydler dans "Analecta Pharmacognostica "] est l'étude de l'ensemble des matières premières à usage médical.
3 - Historique [d'après Paris et Moyse , Matière médicale, 1971-1976]
3.1 - Des origines au Moyen - Age
Bien que le terme de Matière médicale soit
récent
[
il vient
du De
Materia
medica,
traduction latine au XV° du traité de
Dioscoride, écrit en 77 après JC
]
, son contenu
remonte
,
à l'aube de l'humanité. Il est à peu près
certain que l'Homme préhistorique, déjà,
connaissait les vertus de certaines
substances,végétales, en
particulier.
Les Grecs héritèrent, par l'intermédiaire
des Perses, de certaines drogues
orientales.
Hippocrate
employait, par exemple, des narcotiques
tels opium, jusquiame, mandragore. C'est à
Dioscoride, Grec né en Asie mineure (1er
siècle après J.C.) que l'on doit un
répertoire remarquable de substances
d'origine végétale, animale et minérale,
qui fit autorité jusqu'à la fin du
Moyen.-Age.
Du V
°
au XI
°
, l'Europe occidentale traverse une
période, considèrée ( abusivement
d'ailleurs ) comme "la longue nuit du
Moyen-Age" . La matière médicale (surtout
végétale) existe, mais essentiellement
dans un contexte magico-démoniaque.
4 - Exemple d'emploi de la matière médicale médiévale : soins apportées aux blessures par flèches après extraction du trait. Systématiquement, après extraction du trait, il est recommandé dès l’Antiquité « de répandre sur les blessures des remèdes adoucissants» ( Homère ) . Les chirurgiens médiévaux ne vont, évidemment pas déroger à cette habitude et on note à la lecture des textes médicaux l’importance attribuée à toutes les substances à usage médical et , en particulier aux topiques cutanés. : « Si, la blessure a été souillée par un poison, il faut la nettoyer et la recoudre rapidement (...). Si le malade souffre, au niveau de la blessure, d’une tuméfaction intense comme le feu, on le phlébotomise et on applique sur la région, des roses, du bois de santal, de la sève de coriandre, d’endive, solanum, sempervirens et semblables » ( Constantin l’Africain ). «Le fer extrait, on fait aussitôt un tampon de lard et on l’introduit. Si le lard ne suffit pas pour la trop grande profondeur, fais une bande de toile de lin, tu l’enduis de saindoux et ainsi tu l’introduis et tu poses dessus un petit coussinet de toile, de lin et tu l’attaches de telle façon que le bandage commence de l’endroit d’où le pus doit sortir (...). Si tu veux (..) que se produise le pus selon les variations saisonnières, mets un emplâtre (...). Après que le pus commencera à s’écouler et la blessure à se cicatriser, le tampon de lard va se réduire selon comment évoluent la guérison et la cicatrisation de la blessure »( Roger de Parme ). « Avant l’extraction, on applique les règles du début des plaies (...) phlébotomie ou ventousation, clystère ou suppositoire (...) et (que) le malade soit réglé avec diète froide et sèche et la boisson soit froide. La flèche étant extraite, il faut remplir la plaie avec des bourdonnets d’étoupe ou de lin trempés dans l’huile rosat, jaune d’oeuf, safran mêlés et chauds (...) et que celà soit continué jusqu’à trois ou quatre jours Ensuite on pratique mondification, incarnation et consolidation comme il a été dit au traitement général des plaies »( Guillaume de Salicet ).
Afin de
connaître les "drogues" utilisées au Moyen
Age, il a fallu, une fois de plus, faire
appel aux travaux des
chirurgiens
médiévaux
. Une liste de 176 substances a ainsi, pu
être établie.
On note l’importance des substances d’origine végétale puisqu’elles représentent près de 83 % du total. 153 substances (83 %) sont d’origine européenne comme l’amande, la bétoine, les farines résolutives, l’hellébore, la jusquiame, les huiles, le vinaigre, l’absinthe, etc. Les 23 autres ( toutes végétales excepté le pétrole ) viennen t:
4.2 - Répartition des substances selon les Auteurs et l'origine.
4.2.1 - Substances d’origine végétale Elles viennent très largement en tête, représentant en moyenne 80 % de la pharmacopée de chaque auteur! La répartition va de 68 % ( Abulcasis ) à 88 % ( Constantin ). Cinq substances seulement ( sur 145, soit 3 % ), à savoir: encens farines, huile, sang-dragon et vinaigre, sont signalées par l’ensemble des auteurs ; à l’opposé, 36 ( soit 25 % ) ne sont indiquées que par un auteur. C’est ainsi, par exemple, que Guillaume de Salicet est le seul à utiliser : amande, asarum, bette, buglosse, ammi, etc.; il en est de même avec Henry de Mondeville pour la bryone et Guy de Chauliac pour : bétoine , canelle , fenouil et fougère. Aucun de nos chirurgiens n’emploie l’ensemble des 145 produits végétaux : Guillaume vient en tête avec 115 (soit 79 %), suivi de près par Guy ( 112 substances, soit 77 % ), puis Henry ( 88, soit 61 % ). Plus loin nous trouvons Roger ( 32, soit 22 % ), Abulcasis ( 23, soit 16 % ) et enfin Constantin (21, soit 14 % ).
4.2.2 - Substances d’origine animale Les drogues d’origine animale, par exemple le sang, le castoreum , la toile d’araignée, l’œuf, le miel, la momie , etc., ne représentent en moyenne que 9 % de la pharmacopée de chaque auteur, la répartition allant de 4 % ( Constantin ) à 14 % ( Abulcasis ). La distribution de fréquence est la suivante : miel, momie et œuf, sont indiqués 4 fois ; le castoreum, 3 fois ; le sang, deux fois ; toile d’araignée et lait, 1 fois. Aucun auteur n’utilise l’ensemble des 15 substances animales: Guy vient en premier avec 12 ( soit 80 % ), suivi de très près par Guillaume ( 11, soit 73 % ), puis Henry ( 9, soit 60 % ). Plus loin on trouve Abulcasis ( 5, soit 33 % ), Roger ( 4, soit 27 % ) et Constantin ( 1, soit 7 % ). Il est intéressant de noter que ( de même que pour les produits végétaux ) ce sont les trois chirurgiens des XIIIe - XIVe siècles qui viennent en tête.
4.2.3 - Substances d’origine minérale Les drogues minérales, par exemple : alun, bol arménien, arsenic, eau, argile, gypse, sel etc., ont un peu plus la faveur que les substances animales, puisqu’elles représentent en moyenne 11 % de la pharmacopée de chaque auteur: la répartition allant de 5 % ( Roger ) à 18 % ( Abulcasis ). La distribution de fréquence est la suivante: eau, 6 fois ; bol arménien, 5 fois ; sel, 4 fois ; alun, arsenic, 3 fois ; gypse, 2 fois; argile, 1 fois. Guillaume est le seul à employer les 15 substances minérales. Viennent ensuite dans l’ordre décroissant: Guy, 13 ( 87 % ), Henry, 11 ( 73 % ), Abulcasis, 6 ( 40 % ), Constantin et Roger, 2 chacun ( 13 % ).
Son emploi n'est avéré que chez Roger et Guy.
Les 176 substances sont utilisées pour 72 % ( 126 ) d’entre - elles en usage externe, 13 % ( 24 ) le sont en usage interne et 15 % ( 26 ) en usage mixte.
Le fort pourcentage de drogues utilisées en usage externe s’explique aisément: il est en effet logique que les chirurgiens fassent appel à des topiques cutanés qui agissent localement à travers la peau. Nous distinguerons les vulnéraires, les résolutifs , les substances mixtes. ( à la fois vulnéraires et résolutifs) et les produits employés extérieurement mais n’étant ni vulnéraires ni résolutifs :
24 substances sont employées par voie orale dans le traitement des blessures. Elles sont toutes ( sauf le lait) d’origine végétale (une fois encore !). Cinq interviennent dans le régime des blessés, soit comme aliment ( lait, mouron, pistache ), soit comme stimulatif digestif ( galanga, macis ). On connaît la faveur, chez les auteurs médiévaux, des laxatifs ( par voie orale ou par clystère ) : 9 substances telles, casse, épinards, etc., ont cette fonction. On se souvient, en particulier, que Guillaume insiste, quel que soit le type de blessures, sur la nécessité de débarrasser le ventre du malade. Parmi les 10 produits restants, on relève 5 diurétiques ( par exemple bourrache, persil ), 2 résolutifs ( bette et jujube ), 2 sédatifs ( nénuphar et pourpier ) et 1 vomitif ( asarabaca ).
26 substances sont employées à la fois en application externe et par voie orale : 23 végétales ( chicorée, datte, coing, etc.), 1 animale ( momie ), 2 minérales ( eau, sel ). 4 drogues seulement ont le même rôle quel que soit le mode d’utilisation: momie ( vulnéraire ), agaric et eau ( résolutif ), opium ( anesthésique ). Les autres possèdent une double activité qui, en usage externe, est vulnéraire, résolutif ou anesthésique. Sans entrer dans les détails, ont peut noter cependant que 13 sont alimentaires (c’est en particulier le cas des fameuses farines résolutives ), 4 diurétiques ( chicorée, verveine, ...), 3 antidiarrhéiques ( coing entre autres ) et 2 laxatives ( mauve, sel ).
[Pour chacune des substances médicales citées ici, l' hyperlien mène à une notice détaillée extraite du " Glossaire de la matière médicale employée par les chirurgiens médiévaux dans le traitement des blessures " < http://perso.wanadoo.fr/raoul.perrot/ >]
Ammi . - Il s’agit de Ammi Visnaga. ( Ombellifères ) trouvée dans les pays méditerranéens ( Égypte, en particulier ). Assafoetida - Gomme-résine produite par une Ombellifère asiatique, Ferula assa-foetida Bol arménien - Nom donné à une argile ocreuse trouvée essentiellement en Turquie (ancienne Arménie, d'où le nom ). Casse - Au Moyen Âge ce nom est donné à la fois à la cannelle, en particulier Cinnamomum Cassia (famille des Lauracées) et à une Légumineuse tropicale. Castoreum - Sécrétion très odorante des glandes préputiales du Castor mâle. Galanga - Il s’agit d’Alpinia galanga. plante de là famille des Zingibéracées, trouvées en Thaïlande et dont le rhizome est un stimulant aromatique. Gomme arabique - Gomme produite par une légumineuse africaine, l’Acacia Verek. Macis - Nom donné à l’enveloppe charnue entourant la « noix muscade », graine d’un arbre équatorial, le Myristica fragrans. (Myristacées). Momie - Pendant tout le Moyen Age ce nom est donné aux substances séchées ou liquides provenant de corps momifiés. Roseau aromatique - Nom commun d’une espèce de roseau, Acorus calamus. (Aracées). Sang-dragon - Résine de couleur rouge (d’où le nom) provenant du Dragonier, Calamus Draco. (Palmiers).
Page révisée le 21/01/2017
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