Cahiers Lyonnais d'AnthropoBiométrique, 6*, 2018 / Lyon-France ISSN 2260-0442
Identification par biométrique de similarité d'un jeune héros de l'insurrection de Budapest (octobre 1956)1
(version PDF) Raoul PERROT123
1 - Ancien Directeur du Laboratoire d'Anthropologie Anatomique et de Paléopathologie de Lyon / Ancien Professeur d'Anthropologie Anatomique et de Paléopathologie (Université Lyon1) / Expert Honoraire en Anthropologie d'Identification près la Cour d'Appel de Lyon 2 - Webmaster du site du laboratoire : http://www.laboratoiredanthropologieanatomiqueetdepaleopathologiedelyon.fr/index.htm 3 - Contact : perrot.L2APLYON1@live.fr
* Le volume 6 des CLAB aurait du normalement paraitre en 2017 mais des problèmes techniques et l'absence de contributeurs ne l'ont pas permis : nous prions nos fidèles lecteurs de nous en excuser!
Résumé : Suite à une demande d'expertise de Mr Philippe Pascal, l'Auteur a été amené à s'intéresser à l'examen comparatif d'une photo d'un jeune homme inconnu, mort en 1956 lors de l'insurrection de Budapest avec celle d'un autre jeune homme Györgi Berki qui pourrait être le jeune insurgé. L' analyse biomorphométrique des deux photographies a permis de confirmer l'hypothèse initiale : il s'agit bien dans les deux cas de la même personne.
Mots-clés : identification, biométrique de similarité, morphologie faciale, Györgi Berki, jeune homme inconnu, insurrection de Budapest (octobre 1956)
Abstract : Identification by biometric of similarity of a young hero of the insurection of Budapest (October 1956) Following a request for expertise of Mr. Philippe Pascal, the Author was brought to be interested in the comparative examination of a photograph of an unknown young man, died in 1956 at the time of the insurrection of Budapest with that of another young man Györgi Berki who could be the young insurrectionist (cf §1-Introduction).The biomorphometric analysis comparing the two photographs made it possible to confirm the initial assumption: it is indeed in both cases the same person.
Key - words : identification, biometric of similarity, face morphology, Györgi Berki, unknown young man, insurrection of Budapest (October 1956)
1 - Introduction2 Mr Philippe Pascal (sous le pseudo de Phil Casoar) est co-auteur avec l’historienne hongroise Eszter Balazs, d’un livre-enquête intitulé Les Héros de Budapest3, publié en 2006 en France par les éditions Les Arènes, et traduit et publié en 2016 en Hongrie. Le point de départ de ce livre est un cliché publié par Paris Match (et repris sur la couverture de l'ouvrage) en novembre 1956, qui montre un couple de jeunes insurgés photographié sur un boulevard de Budapest, le 30 octobre 1956. L'idée de départ était d’identifier ces deux jeunes gens, et de découvrir leur destin. Les deux auteurs sont parvenus, non sans peine, grâce à des témoignages et des documents d’archives, recueillis en Hongrie, en Suisse, et en Australie, à mettre un nom sur le visage de la jeune insurgée : elle s’appelait Julianna Sponga, dite « Jutka ». Mais du garçon qui se tient à ses côtés, seul était connu le prénom, que Jutka avait confié à un journaliste italien : György, et son sort : il avait été tué. Quand il a été question en 2015 d’une édition hongroise du livre, Eszter Balazs et Philippe Pascal ont repris l’enquête. Grâce à un ouvrage publié entretemps (In memoriam 1956 de Miklós Horváth et Éva Tulipán) et une base de données recensant toutes les victimes de la révolution hongroise,il a été possible d'établir une liste d'une quarantaine de morts prénommés György. En recoupant cette liste avec les quelques indices connus sur le garçon, en dehors de son prénom, (en particulier le témoignage du photographe, l’Américain Russ Melcher, toujours vivant, qui d’emblée leur avait dit qu’à son avis le garçon avait entre 16 et 17 ans), le nombre des candidats possibles à été réduit à 7 ou 8 noms. Dans la base de données en ligne sur Internet, en regard de l’état-civil des victimes, il y a, dans certains cas, une petite photo d’identité : en particulier celle d’un garçon nommé György Berki,offrant une certaine ressemblance avec le jeune homme tué, il était né le 5 janvier 1940 à Budapest. Il avait donc 16 ans et 10 mois au moment de sa mort le 30 octobre 1956, environ deux heures après que Russ Melcher ait pris sa fameuse photographie, pendant l’assaut de l’immeuble du Parti communiste, place Kösztarsasag. Cette coïncidence est trop importante pour ne pas être retenue! Eszter Balazs et Philippe Pascal ont découvert que l’original de la photo d’identité de György Berki était conservée par le KEKKH, une archive de la police à Budapest. Il leur a fallu deux ans de tractations fastidieuses et une plainte auprès du Commissaire aux droits fondamentaux hongrois, pour être enfin autorisés à photographier le petit cliché de György Berki. Ils sont quasiment certains qu’il s’agit du même garçon que le jeune gavroche chapeauté de la photo de Match, non seulement à cause de la ressemblance, mais aussi grâce à un faisceau de circonstances concordantes. Néanmoins, en l’absence de témoignages directs, il leur semble que seule une expertise anthropobiométrique, pourrait apporter la certitude que le jeune « héros » de Paris Match et György Berki ne font qu'un d'où leur demande d'une identification comparative par biométrique de Similarité. 2 - Matériel L’expertise repose sur les deux photographies suivantes ( l'hypothèse émise étant que György Berki et l'inconnu soit la même personne) : · PHOTO 1 : photographie de l'inconnu (vue faciale de 3/4 avant gauche : oreille gauche plus visible que celle droite) prise par Russ Melcher (le 20/10/1956) environ deux heures avant l’assaut de l’immeuble du Parti communiste, place Köztársaság.. · PHOTO 2 : photographie d'identité (vue faciale légèrement de 3/4 avant droit : oreille droite plus visible que celle gauche) de György Berki, datée de janvier 19564
3 - Méthode Elle fait appel à la méthodologie dite "Biométrique de Similarité"développée au sein du Laboratoire d'Anthropologie Anatomique et de Paléopathologie de Lyon et qui consiste, dans le cadre d'une recherche d'identification à comparer deux à deux une photographies du visage de A (inconnu) avec une photographies du visage de B(connu) : le but étant de déterminer si le visage A est B. Sur chaque cliché est établi un descripteur local
correspondant à une signature invariante utilisant des points anatomiques qui
reliés entre - eux fournissent des paramètres et des valeurs
angulaires. Il est important de noter que n’est jamais prise en compte la
comparaison des valeurs brutes d’un même
paramètre sur les deux clichés mais celle des invariants
géométriques [rapports indiciaires confrontant les paramètres deux à
deux (formule
générale d’un indice : paramètre 1 x 100 / paramètre 2) , valeurs
angulaires)] ce qui offre l’avantage considérable de pouvoir
travailler sur des instantanés n’étant pas à la même échelle! Sur un plan pratique la méthodologie
est la suivante : ·
pour chaque valeur
indiciaire (ou angulaire) est pris en compte la différence B/A : le
résultat sera positif si la valeur B est plus grande que celle A , négative
dans le cas contraire, ·
la somme des N
différences B/A est le sigma algébrique ·
le rapport sigma
algébrique / N (nombre des valeurs indiciaires et angulaires retenues) fournit le score de similarité qui
varie de 0 à 10, ·
à chaque
score est attribué un %
d’assimilation ( = ressemblance) des deux visages (tableau 1) :
Tableau 1- Score de similarité et % d'assimilation pris en compte
dans la comparaison
4 - Résultats 22 points faciométriques (tableaux
2) ont été pris en compte dans ces comparaisons. Ils ont généré 74 paramètres
(tableau 3), 82 valeurs indiciaires et 42 valeurs angulaires (tableau 4) Tableau 2 - Les 22 points faciométriques pris en compte dans la comparaison ( pour les emplacements précis cf.tableau 4 )
Tableau 3 - Les 70 paramètres pris en compte dans la comparaison
Tableau 4 - Les 112 valeurs (82 indiciaires, 42 angulaires) prises en compte dans la comparaison
6 - Discussion La similitude biométrique de 66% entre les deux visages milite en faveur d'un même sujet : les 34% de différences biométriques étant facilement explicables :
On reste, en effet, frappé de l'évolution du visage sur même pas une année liée aux évènements qu'a vécus le sujet. En janvier 1956 la photographie de György Berki nous montre un jeune homme, au visage placide, joues bien remplies, sans rides : image de garçon sage, sans doute bon élève5. Cependant de cette image émanent une certaine tristesse et une question que semble poser ce regard sur l'avenir! Le second visage (photographie datée de fin octobre 1956) est celui d'un jeune adulte tourmenté marqué par l'amertume et la tristesse, comme le montre parfaitement l'ensemble des rides et la contraction de certains muscles faciaux :
On note la contraction marquée :
En ce qui concerne la morphologie faciale on remarque aisément (en dehors des modifications citées plus haut) la ressemblance des traits du visage :
7 - Conclusion Le regroupement des caractères morphologiques et des 66% de similitude biométrique milite fortement en faveur de l'hypothèse initiale à savoir que l'inconnu , mort en 19566 lors de l'insurrection de Budapest et le jeune homme dénommé Györgi Berki sont la même personne. 8 - RemerciementsL'Auteur tient à exprimer sa gratitude à Mr Philippe Pascal qui lui a proposé cette expertise, a accepté que son contenu fasse l'objet d'une publication dans les Cahiers Lyonnais d'AnthropoBiométrique et , par ailleurs, lui a même fourni des informations complémentaires ( cf. notes 4,5 et 6 ) 9 - Notes 1- L'insurrection de Budapest ou révolution de 1956 (en hongrois : 1956-os forradalom) désigne la révolte nationale spontanée contre la République populaire de Hongrie et ses politiques imposées par l'Union des républiques socialistes soviétiques (URSS) qui dura du 23 octobre au 10 novembre 1956. La révolte commença par une manifestation étudiante qui rassembla des milliers de personnes alors qu'elle progressait dans le centre-ville de Budapest vers le Parlement hongrois. Une délégation étudiante entrée dans le bâtiment de la radio nationale afin de diffuser ses revendications fut arrêtée. Lorsque sa libération fut demandée par la foule, la Államvédelmi Hatóság (ÁVH) ouvrit le feu depuis le bâtiment. Les nouvelles se répandirent rapidement et des émeutes éclatèrent dans toute la capitale. La révolte s'étendit rapidement en Hongrie et entraîna la chute du gouvernement. Des milliers de personnes s'organisèrent en milices pour affronter l'Autorité de protection de l'État (ÁVH) et les troupes soviétiques. Des communistes pro-soviétiques et des membres de l'ÁVH furent souvent exécutés ou emprisonnés tandis que les prisonniers politiques étaient libérés et armés. Des conseils improvisés luttèrent contre le contrôle municipal du Parti des travailleurs hongrois au pouvoir et demandèrent des changements politiques. Le nouveau gouvernement décida de dissoudre complètement l'ÁVH, déclara son intention de se retirer du Pacte de Varsovie et promit d'organiser des élections libres. À la fin du mois d'octobre, les combats avaient pratiquement cessé et une certaine normalité était revenue. Après avoir annoncé sa volonté de négocier un retrait des forces soviétiques, le Politburo changea d'avis et décida d'écraser la révolution. Le 4 novembre, une importante armée soviétique envahit Budapest et les autres régions du pays. La résistance hongroise continua jusqu'au 10 novembre. Plus de 2 500 Hongrois et 700 Soviétiques furent tués lors du conflit et 200 000 Hongrois fuirent en tant que réfugiés. Les arrestations se poursuivirent durant plusieurs mois. En janvier 1957, le nouveau gouvernement pro-soviétique avait supprimé toute opposition publique. Les actions soviétiques furent critiquées par les marxistes occidentaux et renforcèrent l'emprise soviétique sur l'Europe centrale.Le débat public sur cet événement fut interdit en Hongrie durant plus de 30 ans, mais avec le dégel des années 1980, il fit l'objet d'intenses études et débats. Le 23 octobre est devenu un jour de fête nationale en Hongrie [https://fr.wikipedia.org/wiki/Insurrection_de_Budapest] 2 - Texte adapté du courriel de Mr.Philippe Pascal, reçu le 3 décembre 2017 3 - Nous conseillons aux lecteurs intéressés par cet ouvrage de prendre contact directement avec Mr.Philippe Pascal : Philippe Pascal <philcasoar@gmail.com> 4 - La fiche d’état-civil sur laquelle est
collée la photo a été établie le 27 janvier 1956. Mais il est vraisemblable que
la photo ait été prise à une date antérieure, plusieurs jours, plusieurs
semaines, voire plusieurs mois auparavant. Entre le moment où la mère de György
a emmené son garçon se faire tirer le portrait dans un petit studio de
photographe, comme ça se faisait alors, pour avoir les clichés nécessaires à la
délivrance d’une carte d’identité, et le jour où elle a pu faire établir le
document dans un commissariat, il a pu s’écouler pas mal de temps. 5 - En fait la fiche d'état civil nous apprend que György n’avait fait que 5 ans d’études primaires, et qu’en ce mois de janvier 1956 il venait d’entrer, sans doute en qualité d’apprenti, dans un atelier de réparation de la MÁVAUT, la compagnie de transports publics, atelier situé dans le quartier où il vivait avec sa mère (déjà séparée du père avant la naissance de György), le 13ème arrondissement de Budapest.(Communication de Mr.Philippe Pascal) 6 - Nous n’avons aucune certitude sur la date et le lieu exacts
de la mort du garçon. Finalement nous émettons l'hypothèse, que Gyuri et Jutka seraient montés avec quelques insurgés sur le toit d’une maison pour faire feu sur l’immeuble du Parti et que dès le début, Gyuri auraut été tué par un tir de riposte d’une balle en pleine tête (blessure mentionnée sur le certificat de décès) en même temps que Jutka était blessée à l’épaule gauche (Communication de Mr.Philippe Pascal) Cahiers Lyonnais d'AnthropoBiométrique, 6, 2018 / Lyon-France ISSN 2260-0442 /Identification par biométrique de similarité d'un jeune héros de l'insurection de Budapest (octobre 1956)(Raoul Perrot )
Article mis en ligne le 09/01/2018
- |